Le pays des contesContes et légendes de Bretagne
La Mary-Morgan

Une mary-morgane (sirène) habite l'étang du duc, prés de Vannes ; elle en sort quelquefois pour tresser au soleil ses cheuveux verts. Un soldat la surprit un jour sur son rocher, et, attiré par sa beauté, il s'approcha d'elle ; mais la mary-morgan l'enlaça de ses bras et l'entraîna au fond de l'étang ; si vous demandez au peuple ce que c'est que cette fée des eaux, voici ce qu'il vous racontera : Une princesse, à qui l'étang au duc appartenait, avait refusé d'épouser un grand seigneur qui possédait l'étang de Plaisance. Cependant, fatiguée par la prière de celui-ci, elle lui dit un jour :-Je serai vôtre, quand l'étang de Plaisance coulera celui au duc.Croyant bien demander l'impossible ; mais le seigneur fit creuser un canal qui réunit les deux étangs ; et un jour, ayant invité la dame à une fête qu'il donnait à son château de Plaisance, il la conduisit en bateau par ce canal, jusqu'à l'étang au duc, et là lui dit :

-J'ai rempli votre vouloir, remplissez maintenant votre prommesse, et devenez mienne.Mais la princesse, saisie de douleur en voyant ce qu'elle avait promis, ne voulut point donner son âme et son corps au seigneur qu'elle n'aimait pas, tandis qu'au contraire elle en chérissait un autre ; elle se pencha, désepérée, sur le bord du bateau, et se jeta la tête en avant au fond du lac, d'où elle ne revint plus. Seulement à partir de ce jour, il y eu dans l'étang une mary-morgan belle comme le jour, et l'on pense que c'est la princesse qui a pris cette forme, et qui se montre, vers les matins d'été, sur les rochers qui bordent l'eau, peignant ses longs cheveux, et faisant des couronnes de glaïeuls.

Extrait de "Les Derniers Bretons"
d'E. Souvestre, ed. Charpentier.