Chapitre 18 : Histoire de famille…

Ceydric épuisé s’était endormi. Ils avaient parlé plus d’une heure. Comme cela avait été bon de le voir si enthousiasme! Avec ses questions incessantes, il semblait n’avoir jamais quitter ce pays qu’il aimait tant et encore si vivant dans son esprit. Il ne se passait pas une journée sans qu’il y pense… Mais la vie l’avait fait connaître d’autres bonheurs, qui méritaient bien ce petit sacrifice. Il avait rencontré Maryella et ça avait été le coup de foudre. Elle était venue vivre auprès de sa mère à la mort de son père, mais le monde des humains lui manquait énormément. Il savait qu’il devrait quitter son monde pour être avec elle. N’ayant plus de famille, juste une grand-tante, il était prêt à quitter la terre de ses ancêtres pour ses beaux yeux clairs. Maryella avait été troublée par ce jeune homme solitaire. Elle avait aimé son côté « beau ténébreux rebelle », ce qu’elle lui répétait sans cesse, un petit sourire taquin sur le visage. A première vue, c’était une jeune fille à l’air angélique. Elle avait de magnifiques cheveux blonds qu’elle relevait en chignon, machinalement, quand elle se concentrait. Il adorait la voir les enrouler et les maintenir avec ce qu’elle avait sous la main : un stylo, un pinceau, une fourchette… et le léger froncement de sourcil provoqué lors d’un intense effort de concentration. Il l’avait toujours aimée et ce dès leur premier regard. Il l’avait aperçue pour la première fois alors qu’il s’occupait du jardin de sa grande-tante qui ressemblait plus à la forêt vierge qu’à un jardin anglais ! Il essayait en vain de retirer les mauvaises herbes de ce qui avait été un potager. Il ne put retenir un juron. C’est là qu’elle l’avait vu, recouvert de terre et de mauvais herbe, l’air désespéré dans ce jardin à l’abandon qui avait dû être magnifique. Leurs regards s’étaient croisés et Narwel s’était perdu dans ces grands yeux bleus si tendres et pourtant si tristes, et il avait cru distinguer un sourire fugace sur son visage. C’est vrai qu’il avait l’air ridicule dans ce jardin. Mais c’étaient les grandes vacances et il avait décidé de faire une surprise à sa grand-tante, qui depuis la mort de son époux avait laissé le jardin à l’abandon. Il avait un mois pour y parvenir et en s’y mettant tous les jours, il espérait lui rendre partiellement son état d’origine. A sa grande surprise, la jeune fille était venue lui proposer son aide le lendemain, elle adorait les jardins et apparemment son aide ne serait pas de trop. Ils avaient très vite sympathisés. Ce fut la première fois qu’il éprouva le besoin de protéger quelqu’un. Il ne supportait pas de la voir triste et faisait tout pour la faire rire même le pitre s’il le fallait. Ce qu’il apprécia le plus après ces dures journées de labeur furent les délicieuses tartes qu’elle lui préparait. Elle avait pris l’habitude de s’occuper de lui. Elle restait même parfois dormir chez lui. Sa mère le connaissant depuis longtemps, n’y voyait pas d’inconvénient. Voir sa fille heureuse était ce qui comptait le plus, après ce qu'elle avait vécu. A la fin des vacances, ils étaient devenus très proches et ne s’étaient plus jamais quittés. Ils s’étaient trouvés à dix-sept ans et cela faisait maitenant quarante ans qu’ils étaient ensemble. Il fut sorti de sa rêverie par un fumet qui provenait de la cuisine. Il ne voulait pas réveiller Ceydric et sortit de la pièce sur la pointe des pieds. Il se rendit directement à la cuisine. De la porte, il vit sa femme mettre une dernière touche à son repas et Oran attablé devant une tasse froide. Maryella, l’ayant aperçu, lui lança un regard significatif en direction de son fils. Oran, sorti de sa méditation, vit son père. Il lui lança un regard sûr où se lisait toute son obstination. Narwel sut que le combat était perdu d’avance. Il savait bien qu’Oran avait découvert la vérité et qu'étant aussi têtu que lui, il n’aurait pas le dernier mot. Il s’approcha de son fils, posa sa main sur son épaule et lui dit simplement, sur un ton solennel :
- Fais ce que tu crois juste. Tu as ma bénédiction.
Oran se leva et son père le serra dans ses bras.
- Mon fils, pardonne-moi. Je pensais que tu ne comprendrais pas, que tu étais trop jeune… Mais je ne m’étais pas aperçu que tu étais devenu un homme, dit-il des sanglots dans la voix.
C’est à cet instant qu’Anauel entra. Oran vit celui qu’il considérait comme son frère et comprit qu’il allait jouer un rôle important dans sa vie.