Chapitre 22 : La Fée Mariana

Pendant plusieurs jours d’affilés, Mariana et Hanaelle étaient restées cloîtrées dans ce qu’ils avaient nommé « la chambre des mystères ».Tandis qu’ils affinaient le plan de bataille et s’occupaient des derniers préparatifs avant le départ, des éclats de rire leur parvenaient souvent de la chambre. Que se passait-il dans cette chambre ? Ils ne le savaient pas car ils n’avaient pas le droit d’y pénétrer. La chambre leur était interdite. Oran mourrait d’envie d’y entrer. Il écoutait à la porte, essayait de trouver des prétextes pour pouvoir forcer l'entrée de cette chambre mais rien ne marchait. Face à un Oran bougon et entêté, Anauel ne pouvait s’empêcher de rire. Mais, il était toujours autant perturbé par ce qu’il ressentait pour Mariana. Avait-il le droit de faire passer ses sentiments personnels avant le bien-être du Royaume? Non, il ne le pouvait pas. Ne pas la voir lui causait de la peine mais c’était préférable. Il ressentait comme une brûlure dans sa poitrine dès qu’il l’apercevait et un nom résonnait sans cesse dans sa tête : Manfred. Pour éviter d’avoir à y penser, il proposa à Oran d’aller se changer les idées. Ils avaient bien le droit, eux aussi, de prendre un peu de repos. Avant de partir, ils laissèrent un mot à l’intention des occupants de la chambre aux mille secrets. En fermant la porte, Anauel ne put s’empêcher de penser que les femmes prenaient toujours trop de temps pour se préparer. Il savait Hanaelle assez coquette. Elle l’était devenue avec l’âge. Quand il l’avait rencontrée, c’était un vrai garçon manqué. Elle aimait grimper aux arbres, effrayer ses gouvernantes… une vraie petite terreur. La vérité était qu’à ses yeux, aucune femme ne pourrait jamais égaler sa mère. Il l’avait même aperçue une nuit devant le portrait de sa mère. Il avait préféré ne pas la déranger et ne lui en avait jamais parlé. Il lui avait expliqué le rôle d’une Reine, ce qu’elle représentait pour le peuple, ce que sa mère avait représenté pour lui. C’est depuis ce jour qu’elle avait changé. Elle restait la même petite fille espiègle mais elle savait qu’en tant que princesse, elle avait un rôle à tenir. On ne cessait de lui répéter qu’elle était le portrait de sa mère et son plus cher désir était de lui ressembler, de lui faire honneur et de devenir comme elle : une femme majestueuse, resplendissante, pleine de grâce. Le fait de se retrouver seule avec Mariana lui rappelait son enfance, les moments merveilleux qu’elle avait passés auprès de sa mère. Déjà toute petite, elle aimait la regarder se préparer pour les grandes cérémonies. Elle aimait la voir coiffer ses longs cheveux roux dont les boucles tombaient en cascade jusqu’à sa taille. Elle s’approchait tout doucement de sa mère qui la mettait sur ses genoux pour peigner sa petite tête rousse. Et c'était devenu un rituel : tous les soirs, elles se retrouvaient seules,toutes les deux, autour de la coiffeuse. Sa mère lui disait toujours que la couleur de leur chevelure était un cadeau du ciel et que c’était d’eux que venaient leur caractère de cochon, et elles se mettaient à rire, comme en ce moment avec Mariana. Cette dernière vit une lueur de tristesse traverser le regard d’Hanaelle. Elle voulut lui en parler mais voyant la jeune fille se remettre aussitôt au travail, elle se ravisa. A elles deux, elles avaient réussi à se faire deux garde-robes qui n’étaient pas mal du tout et qui feraient pas mal de jalouses ! Mariana avec la vieille machine à coudre de sa mère qu’elle avait sortie du placard où elle dormait depuis plusieurs années, et Hanaelle avec ses doigts de fée avaient fait des merveilles. Sur le lit, était étalé le fruit de leur travail. Elles avaient toutes les deux cinq robes à leur disposition. Elles avaient travaillé dur et s’étaient attelée à la tâche. Après avoir fait le plein de matériel : rubans, toiles légères, soie, organza, tissus satinés ou brodés de fil d’or, elles avaient fait des miracles et avaient transformé les anciennes robes de la mère d’Oran, Dame Maryella, en de vrais petites merveilles. Après plusieurs jours de travail, elles en étaient ravies et fière. Elles les rangèrent soigneusement dans leur malle pour le voyage. Il ne restait plus qu’à s’occuper des coiffures. Une des étapes les plus difficiles du plan pour Hanaelle. Elle, qui aimait tant ses cheveux qui lui rappelaient sa mère, devait les teindre. Mariana le savait et avait décidé de faire de son mieux pour lui rendre ce changement le moins douloureux possible. Elles sortirent de la chambre et trouvèrent l’appartement vide, un mot laissé en évidence sur la table basse du salon. Ils étaient allés faire un tour, eh bien, elles iraient donc se faire chouchouter. Elle envoya Hanaelle se préparer pendant qu’elle prenait rendez-vous. A leur retour, Oran et Anauel trouvèrent l’appartement désert, mais pas de mot. La porte de la chambre était ouverte, tout avait l’air en ordre. Quand elles rentrèrent la table avait été dressée, le repas préparé. Mariana entra la première suivie d’une jeune fille blonde, toute timide. Oran ne la reconnut pas tout de suite. Mais quand, il vit ses yeux émeraude, il comprit que c’était Hanaelle. Anauel qui ne l’avait pas reconnu au premier abord, fut le premier à la complimenter. Elle sourit. Anxieuse, elle attendait maintenant la réaction d’Oran. Ce dernier lui prit les mains, lui affirmant qu’elle était la plus belle femme sur terre quelque soit la couleur de ses cheveux et il l’embrassa. Le dîner se déroula à merveille. Oran exposa avec fierté les dernières modifications : Mariana se ferait passer pour une cousine éloignée d’Anauel, venue du Pays de Galles. Comme tout le monde le savait, dans chaque pays se trouvent un Royaume des Fées. Le départ fut donc fixé pour le lendemain. A la fin du repas, les jeunes femmes disparurent un moment dans leur chambre, pendant qu’Oran et Anauel se chargeait de desservir la table. Oran les aperçut en premier. Mariana était magnifique mais il n’avait d’yeux que pour Hanaelle. C’était la première fois qu’il la voyait avec ses ailes qui semblaient parsemées de paillettes dorées. Elle était ravissante aussi belle que la première fois qu’il l’avait vu. Il avait l’impression de retomber amoureux. Anauel, lui, ne les vit pas tout de suite et continua de desservir. Quand il releva la tête, les mains chargées d’une pile d’assiette et de plats, il vit Mariana et crut que son cœur allait arrêter de battre. Elle était tellement belle qu’il en avait le souffle couper. Des rubans vermeils étroitement enlacés à ses longues mèches noires semblaient danser dans sa chevelure, parsemée de fleurs rouges et blanches. Ses lèvres avaient la couleur des cerises mures. Elle ressemblait à un bouton de rose. Sa robe vermillon laissaient voir ses épaules dénudées et de magnifiques ailes argentées achevaient ce tableau. Anauel croyait que son cœur allait le lâcher. Il n’avait qu’une envie, la prendre dans ses bras et… Il devait reprendre le dessus, se contrôler.
- Vous êtes toutes les deux splendides, surtout vous Mariana, dit-il avec assurance, après avoir redéposer les assiettes, alors qu’il avait l’impression d’être à bout se souffle.
- Je ne peux que confirmer, surenchérit Oran
- Merci, répondirent-elles en chœur.
- Tu es très jolie en blonde, tu sais, lui chuchota Mariana en lui adressant un clin d’œil complice. Elles rirent de bon cœur.
Il avait l’impression que ses membres n’arriveraient plus à le porter bien longtemps. Il fallait encore tenir, encore un peu. Elles allèrent enfin se changer. Anauel se laissa tomber lourdement sur la chaise la plus proche et ferma les yeux. Ca avait été un calvaire de ne pas la toucher. Comment allait-il pouvoir résister à ce désir qui le tenaillait, ne pas révéler ses véritables sentiments. Il le savait, il ne lui était pas, non plus, indifférent. Elle avait rougi quand il l’avait complimentée. Heureusement, il avait su garder le contrôle, bien qu’il l’ait perdu l’après-midi même. Il ne cessait de penser à ce premier baiser, ce baiser qu’il lui avait volé… Il entendit leurs rires. Il se leva et aida Oran à finir de desservir. Ce dernier ne l’avait pas attendu et avait pratiquement terminé. Depuis qu’Anauel avait habité chez eux, il avait appris à le connaître. Il savait que lorsqu’il était préoccupé, il valait mieux le laisser seul, méditer et quelque chose lui disait que Mariana n’était pas indifférente à ce qui le tourmentait.