Chapitre 17 : Souvenirs, souvenirs…


Cela faisait environ sept ans qu’Anauel n’était pas revenu… Cette maison à la mort de son père était devenue la sienne et Narwel une sorte de père. Il y avait trouvé du réconfort. Même si c’était le meilleur ami de son père, il le connaissait très peu en vérité. Il l’avait rencontré à l’enterrement de son père. Il l’avait tout de suite reconnu d’après les quelques vieilles photos que son père avait mis en évidence sur son bureau. Quand il était petit, il adorait venir s’asseoir sur ses genoux et l’entendre raconter les aventures fabuleuses du trio infernal… Son père adorait en parler. Même s’il s’était juré de ne jamais se perdre de vue, la vie se chargea de les séparer très tôt, trop tôt en vérité. Leur vie bascula dans leur dix-huitième année : Narwel était allé vivre dans le monde des humains, Elohim allait être sacré Roi et son père se retrouva seul. Le trio avait été brisé. Mais avant leur séparation définitive, ils s’étaient jurés de veiller les uns sur les autres et d’être toujours là quand on aurait besoin d’eux. Ils s’écrivaient régulièrement et n’avaient jamais perdu contact. A la mort de son père, Anauel rencontra enfin ses amis de toujours. Malgré son récent veuvage, le Roi en personne s’était déplacé en compagnie de sa fille Hanaëlle. Narwel était venu proposer ou plutôt imposer à Anauel de venir vivre chez lui, ce qu’il n’eut pas la force de refuser. Elohim vint lui présenter ses plus sincères condoléances, les yeux embués de larmes. Il y avait trop de monde dans cette pièce, il étouffait. Il se retrouva ainsi sur le perron en compagnie d’une fillette. Elle ne devait pas avoir plus de 10 ans. Ses cheveux roux lui tombait en cascade sur les épaules et ses yeux verts le regardait avec tristesse. Il lui demanda si sa présence ne la dérangeait pas. Elle hocha la tête négativement. Il s’assit à côté d’elle. Ils ne se dirent rien. Aucun mot ne pouvait traduire la tristesse qui s’était emparé de leur cœur. Ils restèrent là un bon moment avant qu’on vint les chercher. Apparemment, entendant son nom, la petite fille se leva et l’embrassa sur la joue sans un mot, puis alla rejoindre ses parents. Avant de partir, elle lui adressa un signe de main qu’il lui rendit et un petit sourire éclaira un moment son visage. Narwel qui avait assisté à la scène comprit qu’un lien particulier venait de naître en ces deux êtres pris dans la tourmente. Le malheur les avaient unis à jamais. Narwel sut ce qu’allait devenir ce jeune homme. Il ressemblait tant à son père. Tout comme lui, il était doué d’une grande sensibilité. Après avoir vécu quelques temps chez Narwel, Anauel était enfin prêt à rentrer chez lui. Il savait qu’il avait trouvé une nouvelle famille ; mais il voulait se débrouiller par lui-même. Narwel avait tout organisé : Anauel serait le précepteur royal. Il devait se rendre au Royaume des Fées et se proposa de le ramener chez lui. Anauel accepta de l’accompagner, sachant que Narwel voulait rester seul un moment avec lui. Il se rendirent en premier au palais. Le Roi Elohim prit de ses nouvelles et lui permit de visiter le palais tandis qu’il s’entretenait avec Narwel. Il errait dans les couloirs, s’extasiant devant tant de merveilles quand il vit se cachant derrière une statue une chevelure flamboyante. Il fit mine de ne pas l’apercevoir, mais il avait reconnu la chevelure de la petite fille qui s’était réfugiée sur son perron, quelques mois auparavant. Il poursuivit sa contemplation encore quelques instants, puis retourna sur ses pas, suivi par une petite tête rousse. Qui était-elle ? Peut-être une amie de la princesse ? Il n’avait jamais vu la princesse. Il savait juste selon les rumeurs qui courraient sur le palais qu’elle eu en quelques mois plusieurs gouvernantes qui au bout de quelques semaines démissionnaient toutes. Cette petite qu’il avait rencontré quelques mois plus tôt et qui le suivait maintenant dans les couloirs du palais, n’avait pas l’air d’être ce petit démon. L’entretien semblait être terminé, les portes étaient ouvertes, il entra. Elohim qui était assis sur un fauteuil en compagnie de Narwel s’écria :
- Quand on parle du loup !
Il n’eut pas le temps de se retourner qu’il vit un petit éclair roux passait et se jetait dans les bras de son père.
- Où étais-tu passer ma chérie ? La gouvernante se faisait un sang d’encre…
Anauel ne croyait pas ses yeux, c’était bien la princesse. Ce petit fille au visage d’ange était la princesse.
- Je n’avais pas envie de travailler et j’étais occupée, répondit-elle adoptant une moue boudeuse
- A quoi, mon ange ? demanda le roi avec un regard tendre.
Elle lança un regard en direction d’Anauel. A cet instant, le roi avait la même lueur malicieuse dans le regard que sa fille.
- Ma chérie, je te présente ton nouveau précepteur, s’il le veut bien.
Anauel resta sans voix. Lui, le précepteur et de la princesse. C’est une place en honneur si l’on mettait de côté les rumeurs circulant sur le caractère de feu de cette « petite diablesse », comme ses nombreuses gouvernantes l’avaient surnommée. Hanaelle de son côté s’était levée et tournait autour de son futur précepteur, on aurait dit un marchand d’art évaluant un objet qu’il examinait sous toutes ses coutures. Elle avait l’air satisfaite et avant qu’Anauel ait pu répondre, elle lui prit la main et l’entraîna dans une course folle en direction de sa chambre. C’est ainsi qu’Anauel prit ses fonctions. Plongé dans ses souvenirs, il s’était assis machinalement sur le perron et n’avait pas vu Maryella déposait ,sans bruit, près de lui des petits gâteaux et du thé. Il allait se lever quand il aperçut le plateau. Il ne put s’empêcher de sourire. Elle était toujours aux petits soins avec lui et l’avait toujours considéré comme l’un de ses fils. Il apprécia l’attention. Il ne savait pas s’il supporterait de voir Ceydric dans cet état. Si son mal, comme le pensait Narwel , était vraiment lié à ce qui menaçait le Royaume, il l’éradiquerait. Sur cette pensée, il décida qu’il était temps d’entrer. Il se leva, mais se dirigea vers la porte de derrière qui donnait sur la cuisine et qu’avait toujours été ouverte…Des souvenirs pleins la tête, il souriait tandis qu’il traversait comme autrefois ce jardin que Maryella avec beaucoup d’amour avait su rendre splendide.