Chapitre 24 : Premier pas dans le Royaume

Elle se sentit comme aspirée dans un tourbillon lumineux. Son premier réflexe fut de fermer les yeux et de serrer les poings. Une étreinte très légère lui répondit alors. Cette main rassurante… c’était celle d’Anauel. Elle savait qu’elle n’avait pas à avoir peur quand il était à ses côtés. Elle ouvrit les yeux. Il la regardait tendrement. Ses lèvres semblaient murmurer un mot qu’elle ne comprenait pas. Elle puisa dans son regard la force qui lui manquait. Un chaleur bienfaisante semblait se répandre dans chaque parcelle de son corps. Elle arriva enfin à se calmer. C’étaient le mot fée... Obnubilée par sa peur, elle avait oublié ce qu’il lui avait dit juste avant le départ. Elle se concentra. Anauel était plongé dans son regard. Leur regard ne se détachèrent que lorsqu’elle eut l’impression que ses pieds touchèrent à nouveau le sol. Elle regarda aux alentours mais sa vue était comme embrouillée et ses oreilles bourdonnaient. Sa main tenait toujours celle d’Anauel. Leurs doigts étaient maintenant étroitement enlacés. Il ne semblait pas gêné par ce contact, bien au contraire, il lui semblait naturel. Des bruits lui parvenaient maintenant de toutes parts, des éclats de rire, des bribes de conversation, de la musique. Elle n’en crut pas ses yeux. Une ville se dressait maintenant devant elle alors qu’il n’y avait pas un instant elle se trouvait en pleine campagne. Un bruit au-dessus de sa tête l’interpella. Une petite explosion se produisit à nouveau et comme par magie, s’inscrivit sur le panneau de bois juste au dessus de sa tête : Deux nouveaux visiteurs. Bienvenue au Royaume des Fées ! Il n’avait d’yeux que pour elle. Mariana, trop absorbée par son observation, ne le vit pas la contempler, le sourire aux lèvres. Son étonnement et sa curiosité l’amusait follement. Les maisons, les plus étranges qu’elle n’avait jamais vu, se dressaient devant elle : des maisons en forme de champignon, de châtaigne, creusées dans les racines des arbres, et une, oh combien étrange, en forme de chaussure. Au loin, elle pouvait distinguer la silhouette majestueuse d’un palais. Mon Dieu, elle croyait rêver ! Elle avait l’impression d’avoir plongé dans un livre de contes pour enfants. Elle avait peur de se réveiller d’un moment à l’autre et voulait tout voir avant que leur rêve ne s’arrête. Elle était entourée de créatures ailées, d’enfants, d’hommes et de femmes dans les habits les plus étranges et les plus beaux qu’elle ait jamais vus. Perdue dans sa contemplation, elle avait complètement oublié Anauel. Elle se retourna pour le chercher et l’aperçut. Tout de blanc vêtu, une écharpe dans un camaïeu de bleu relevée par des broderies dorées tombait avec grâce sur ses épaules. Ses ailes aux reflets gris-noir se déployaient derrière lui. Elle en était tombée amoureuse dès leur première rencontre. Elle n’avait pas osé se l’avouer. Mais dans les rêves tout est permis! N’était-ce pas une illusion, son rêve ? Elle se jeta dans ses bras! Tout était trop beau pour être vrai. Mais, il était bel et bien là. Elle ne rêvait pas. La tête sur sa poitrine, elle entendait les battements sourds de son cœur. Elle sentit son souffle sur sa nuque. Ce ne pouvait pas être le fruit de son imagination. Elle se pinça et recula
- Aie ! dit-elle en se frottant le bras.
Anauel se mit à rire. Les joues de Mariana rosirent.
- Désolée! Un coup de tête ! J’avais l’impression d’être dans un rêve éveillé !
- Ce n’est pas grave ! Heureusement que tu ne t’es pas jeté sur le premier venu !
Elle s’approcha de lui et lui donna un petite claque sur l’épaule. Hanaelle et Oran se dirigeaient vers eux.
- On vous cherchait partout. Vous en avez mis du temps, dit Hanaelle, légèrement fâchée. Ce qui l’énervait vraiment c’était d’avoir vu Mariana se jeter dans les bras d’Anauel et de reculer comme si elle avait touché des braises incandescentes! Ils sont faits pour être ensemble alors qu’ils se décident à la fin.
- C’est vous qui vous êtes égaré dans la foule. On a pas bougé de là, répliqua Anauel, d’un ton qui n’acceptait pas la réplique
Sentant une querelle proche, Oran décida de changer de sujet. Hanaelle et son tempérament de feu et Anauel qui semblait bizarre ces derniers temps, les nerfs à vif, il valait mieux éviter les conflits.
- Où sont les malles ? questionna-t-il, sur un ton désinvolte.
- Je les ai oubliées. Occupez-vous de Mariana et je reviens. Allez toujours chez moi. Hanaelle, tu connais le chemin, dit-il d’un ton sans réplique.
Et sans attendre la réponse, il avait disparu. Hanaelle sentait son précepteur préoccupé, étrange ces temps-ci , et pas à cause de la mission. Elle en était sûre : il était tombé amoureux. Elle savait bien que l’amour non déclaré, renié faisait des ravages dans le cœur des êtres. Mais, elle le savait aussi obstiné, entêté, tenace et s’il avait préféré la fuite, c’est qu’il n’était pas encore prêt à affronter la situation.
Anauel avait en effet pris la fuite. Quand Hanaelle avait ce regard, il savait que les problèmes n’étaient pas loin. Depuis qu’ils se connaissaient, elle avait tout fait pour qu’il rencontre quelqu’un. Seul son travail et sa petite protégée l’intéressait. L’amour semblait être une activité à laquelle il ne pouvait pas consacrer de temps. La vérité était qu’il avait peur de s’attacher à quelqu’un et de perdre cet être auquel il tenait le plus au monde. Il avait déjà perdu sa mère puis son père et il ne se sentait pas la force de s’investir dans une relation, de tomber amoureux jusqu’à… elle. Elle occupait toutes ses pensées. Quand elle s’est jetée dans ses bras, il avait cru devenir fou. Une lutte sans merci s’était engagée en lui entre son cœur et sa raison. Quand elle avait reculé, la lutte faisait toujours rage. Ses nerfs ne tiendrait pas longtemps à ce rythme-là et le plus dur était à venir. Pourquoi tomber amoureux maintenant ? Pourquoi alors qu’il avait besoin de toute sa raison, de toute sa combativité pour sauver le Royaume. La nuit était tombée dans l’autre monde, il se dirigeait, énervé, vers la carriole. D’un geste rageur, il prit les deux malles. Il aimait cette femme à la folie et il ne pouvait se le permettre! Vaincu, il se laissa tomber sur le sol, les malles toujours dans les mains. Un lien indicible les unissait que même la mort ne pourrait briser, il le sentait au plus profond de son être. Son visage lui vint à l’esprit, la confiance qu’il lisait dans son regard, cette tendresse… Il se releva. Il semblait être un autre homme. Même s’il ne pouvait lui avouer son amour, il ferait tout pour la protéger. Et Manfred était son ennemi. Encore plus maintenant qu’elle avait accepté de jouer les appâts, d’être une diversion. C’était une bataille personnelle qu’il allait maintenant livré, Manfred était devenu son ennemi juré. D’un pas décidé, il se rendit aux portes du Royaume et s’y engouffra. Sa dernière pensée, sur la terre des hommes, fut qu’à ce jour, aucun homme n’avait connu un ennemi plus redoutable que lui. Entre ces deux hommes, une guerre, bien plus grande qu’eux, venait de se déclarer. L’échiquier était en place, le jeu pouvait donc commencer…

Chapitre 22 : La Fée Mariana

Pendant plusieurs jours d’affilés, Mariana et Hanaelle étaient restées cloîtrées dans ce qu’ils avaient nommé « la chambre des mystères ».Tandis qu’ils affinaient le plan de bataille et s’occupaient des derniers préparatifs avant le départ, des éclats de rire leur parvenaient souvent de la chambre. Que se passait-il dans cette chambre ? Ils ne le savaient pas car ils n’avaient pas le droit d’y pénétrer. La chambre leur était interdite. Oran mourrait d’envie d’y entrer. Il écoutait à la porte, essayait de trouver des prétextes pour pouvoir forcer l'entrée de cette chambre mais rien ne marchait. Face à un Oran bougon et entêté, Anauel ne pouvait s’empêcher de rire. Mais, il était toujours autant perturbé par ce qu’il ressentait pour Mariana. Avait-il le droit de faire passer ses sentiments personnels avant le bien-être du Royaume? Non, il ne le pouvait pas. Ne pas la voir lui causait de la peine mais c’était préférable. Il ressentait comme une brûlure dans sa poitrine dès qu’il l’apercevait et un nom résonnait sans cesse dans sa tête : Manfred. Pour éviter d’avoir à y penser, il proposa à Oran d’aller se changer les idées. Ils avaient bien le droit, eux aussi, de prendre un peu de repos. Avant de partir, ils laissèrent un mot à l’intention des occupants de la chambre aux mille secrets. En fermant la porte, Anauel ne put s’empêcher de penser que les femmes prenaient toujours trop de temps pour se préparer. Il savait Hanaelle assez coquette. Elle l’était devenue avec l’âge. Quand il l’avait rencontrée, c’était un vrai garçon manqué. Elle aimait grimper aux arbres, effrayer ses gouvernantes… une vraie petite terreur. La vérité était qu’à ses yeux, aucune femme ne pourrait jamais égaler sa mère. Il l’avait même aperçue une nuit devant le portrait de sa mère. Il avait préféré ne pas la déranger et ne lui en avait jamais parlé. Il lui avait expliqué le rôle d’une Reine, ce qu’elle représentait pour le peuple, ce que sa mère avait représenté pour lui. C’est depuis ce jour qu’elle avait changé. Elle restait la même petite fille espiègle mais elle savait qu’en tant que princesse, elle avait un rôle à tenir. On ne cessait de lui répéter qu’elle était le portrait de sa mère et son plus cher désir était de lui ressembler, de lui faire honneur et de devenir comme elle : une femme majestueuse, resplendissante, pleine de grâce. Le fait de se retrouver seule avec Mariana lui rappelait son enfance, les moments merveilleux qu’elle avait passés auprès de sa mère. Déjà toute petite, elle aimait la regarder se préparer pour les grandes cérémonies. Elle aimait la voir coiffer ses longs cheveux roux dont les boucles tombaient en cascade jusqu’à sa taille. Elle s’approchait tout doucement de sa mère qui la mettait sur ses genoux pour peigner sa petite tête rousse. Et c'était devenu un rituel : tous les soirs, elles se retrouvaient seules,toutes les deux, autour de la coiffeuse. Sa mère lui disait toujours que la couleur de leur chevelure était un cadeau du ciel et que c’était d’eux que venaient leur caractère de cochon, et elles se mettaient à rire, comme en ce moment avec Mariana. Cette dernière vit une lueur de tristesse traverser le regard d’Hanaelle. Elle voulut lui en parler mais voyant la jeune fille se remettre aussitôt au travail, elle se ravisa. A elles deux, elles avaient réussi à se faire deux garde-robes qui n’étaient pas mal du tout et qui feraient pas mal de jalouses ! Mariana avec la vieille machine à coudre de sa mère qu’elle avait sortie du placard où elle dormait depuis plusieurs années, et Hanaelle avec ses doigts de fée avaient fait des merveilles. Sur le lit, était étalé le fruit de leur travail. Elles avaient toutes les deux cinq robes à leur disposition. Elles avaient travaillé dur et s’étaient attelée à la tâche. Après avoir fait le plein de matériel : rubans, toiles légères, soie, organza, tissus satinés ou brodés de fil d’or, elles avaient fait des miracles et avaient transformé les anciennes robes de la mère d’Oran, Dame Maryella, en de vrais petites merveilles. Après plusieurs jours de travail, elles en étaient ravies et fière. Elles les rangèrent soigneusement dans leur malle pour le voyage. Il ne restait plus qu’à s’occuper des coiffures. Une des étapes les plus difficiles du plan pour Hanaelle. Elle, qui aimait tant ses cheveux qui lui rappelaient sa mère, devait les teindre. Mariana le savait et avait décidé de faire de son mieux pour lui rendre ce changement le moins douloureux possible. Elles sortirent de la chambre et trouvèrent l’appartement vide, un mot laissé en évidence sur la table basse du salon. Ils étaient allés faire un tour, eh bien, elles iraient donc se faire chouchouter. Elle envoya Hanaelle se préparer pendant qu’elle prenait rendez-vous. A leur retour, Oran et Anauel trouvèrent l’appartement désert, mais pas de mot. La porte de la chambre était ouverte, tout avait l’air en ordre. Quand elles rentrèrent la table avait été dressée, le repas préparé. Mariana entra la première suivie d’une jeune fille blonde, toute timide. Oran ne la reconnut pas tout de suite. Mais quand, il vit ses yeux émeraude, il comprit que c’était Hanaelle. Anauel qui ne l’avait pas reconnu au premier abord, fut le premier à la complimenter. Elle sourit. Anxieuse, elle attendait maintenant la réaction d’Oran. Ce dernier lui prit les mains, lui affirmant qu’elle était la plus belle femme sur terre quelque soit la couleur de ses cheveux et il l’embrassa. Le dîner se déroula à merveille. Oran exposa avec fierté les dernières modifications : Mariana se ferait passer pour une cousine éloignée d’Anauel, venue du Pays de Galles. Comme tout le monde le savait, dans chaque pays se trouvent un Royaume des Fées. Le départ fut donc fixé pour le lendemain. A la fin du repas, les jeunes femmes disparurent un moment dans leur chambre, pendant qu’Oran et Anauel se chargeait de desservir la table. Oran les aperçut en premier. Mariana était magnifique mais il n’avait d’yeux que pour Hanaelle. C’était la première fois qu’il la voyait avec ses ailes qui semblaient parsemées de paillettes dorées. Elle était ravissante aussi belle que la première fois qu’il l’avait vu. Il avait l’impression de retomber amoureux. Anauel, lui, ne les vit pas tout de suite et continua de desservir. Quand il releva la tête, les mains chargées d’une pile d’assiette et de plats, il vit Mariana et crut que son cœur allait arrêter de battre. Elle était tellement belle qu’il en avait le souffle couper. Des rubans vermeils étroitement enlacés à ses longues mèches noires semblaient danser dans sa chevelure, parsemée de fleurs rouges et blanches. Ses lèvres avaient la couleur des cerises mures. Elle ressemblait à un bouton de rose. Sa robe vermillon laissaient voir ses épaules dénudées et de magnifiques ailes argentées achevaient ce tableau. Anauel croyait que son cœur allait le lâcher. Il n’avait qu’une envie, la prendre dans ses bras et… Il devait reprendre le dessus, se contrôler.
- Vous êtes toutes les deux splendides, surtout vous Mariana, dit-il avec assurance, après avoir redéposer les assiettes, alors qu’il avait l’impression d’être à bout se souffle.
- Je ne peux que confirmer, surenchérit Oran
- Merci, répondirent-elles en chœur.
- Tu es très jolie en blonde, tu sais, lui chuchota Mariana en lui adressant un clin d’œil complice. Elles rirent de bon cœur.
Il avait l’impression que ses membres n’arriveraient plus à le porter bien longtemps. Il fallait encore tenir, encore un peu. Elles allèrent enfin se changer. Anauel se laissa tomber lourdement sur la chaise la plus proche et ferma les yeux. Ca avait été un calvaire de ne pas la toucher. Comment allait-il pouvoir résister à ce désir qui le tenaillait, ne pas révéler ses véritables sentiments. Il le savait, il ne lui était pas, non plus, indifférent. Elle avait rougi quand il l’avait complimentée. Heureusement, il avait su garder le contrôle, bien qu’il l’ait perdu l’après-midi même. Il ne cessait de penser à ce premier baiser, ce baiser qu’il lui avait volé… Il entendit leurs rires. Il se leva et aida Oran à finir de desservir. Ce dernier ne l’avait pas attendu et avait pratiquement terminé. Depuis qu’Anauel avait habité chez eux, il avait appris à le connaître. Il savait que lorsqu’il était préoccupé, il valait mieux le laisser seul, méditer et quelque chose lui disait que Mariana n’était pas indifférente à ce qui le tourmentait.

Chapitre 21: Les doutes d'Anauel…

Mariana avait trois paires d'yeux implorants braqués sur elle, même Hanaelle s’était liguée contre elle. Que pouvait-elle bien faire? Comment résister aux yeux gris d’Anauel ? à son regard si… Elle se savait déjà vaincue d’avance… Pourquoi vouloir résister ? Il n’y avait pas d’autre choix : elle acquiesça à leur grand soulagement. Que n’avait-elle pas fait ? Dans quelle entreprise s’était-elle lancée ? Accepter de jouer les espionnes, se risquer à être découverte, jouer les femmes fatales… le rôle le plus excitant qu’elle aurait à jouer de toute sa vie ! Un sourire lui échappa. Anauel l’aperçut. Fugace, il avait disparu aussi vite qu’il était apparu. Elle ne cessait de l’étonner. La fièvre de l’aventure n’était-elle pas en train de la gagner. Le faisait-elle vraiment pour eux ? était la question que ne cessait de se poser Mariana. Il est vrai qu’elle serait auprès d’Hanaelle et lui viendrait en aide si nécessaire. Elle avait pris la jeune fille en affection et faisait tout pour la protéger. Elle était un peu comme la sœur qu’elle n’avait jamais eue ! Mais n’y trouvait-elle pas aussi ce qu’elle avait toujours recherché : de l’aventure, des sensations fortes? Ce serait l’aventure de sa vie, qu’elle allait vivre avec les êtres auxquels elle tenait le plus au monde… Alors pourquoi tenter de résister quand son seul désir était d’être à leurs côtés… Le plan exposé, Hanaelle prit les choses en main. Elle refusait de jouer les servantes. Ses déplacements seraient trop limités et elle ne pourrait agir à sa guise. Elle avait besoin d’une plus grande liberté d’action. Elle accepta de sacrifier ses splendides cheveux roux. Le choix de la couleur s’avérait délicat… En brune, elle ressemblerait plutôt à la petite sœur de Mariana et il ne fallait pas que Manfred puisse hésiter une seule seconde… En blonde, on aurait dit la cousine d’Oran. Le choix s’imposa de lui même. Hanaelle troquerait sa chevelure de feu contre une, couleur des blés. De plus, comme le fit remarquer Hanaelle, une blonde aux yeux verts passerait plus inaperçue qu’une brune aux yeux de jade. Jouer les cousines d’Oran ne lui déplaisait pas. Elle pourrait être tout le temps à ses côtés. Ces petits changements effectués, l’exécution du plan pouvait démarrer. Anauel avait été plutôt silencieux. Il avait peu pris part aux débats et avait accepté les changements avec très peu d’opposition. Il semblait être ailleurs, préoccupé par des sujets plus importants. Hanaelle, qui avait décrété qu’elle serait la mieux placée pour transformer Mariana en beauté fatale, avait décidé de prendre en main les opérations. Anauel accepta sans broncher. Hanaelle s’éloignait déjà tirant Mariana par le bras quand elle fut interrompue par Anauel. Il s’était brusquement souvenu du cadeau de Maryella. Cettedernière avait su le faire parler. Il n’avait pas pu lui mentir et lui avait tout raconter. Sa première rencontre avec Mariana, ce qu’il ressentait lorsqu’il était à ses côtés, l’admiration qu’il éprouvait pour elle. Elle lui avait souri et l’avait mis en garde contre son plan insensé. Elle l’avait prévenu de la souffrance qu’il risquait d’éprouver quand il verrait la femme qu’il aime dans les bras d’un autre. La femme qu’il aime… Ces mots résonnaient dans ses oreilles. Il ne savait pas si elle parlait encore, il n’entendait plus rien. Il n’entendait que les battements de son cœur et un lointain bourdonnement. Maryella s’était tue. Il semblait seulement, à l’instant, avoir réalisé la profondeur de ses sentiments. Le laissant à ses réflexions, elle s’était chargée de mettre de côté pour lui quelques-unes de ses robes qui irait comme un gant à une magnifique femme brune…Elle l’avait pressenti. Dès qu’elle l’avait vu, elle avait perçu cet infime changement, comme pour son autre fils, Oran. Une femme, surtout une mère, sent toujours ces choses-là ! Eh oui, il l’aimait comme il n’avait jamais aimé personne avant…se disait-il, d’un amour profond et pourtant si intense. Il savait qu’il ne pourrait pas supporter la voir avec un autre, mais il le fallait. Elle était leur seul recours… Il ne cessait de penser à cette discussion depuis qu’il avait revu Mariana, depuis qu’il l’avait embrassé, à son insu. Cette pensée le torturait : Mariana dans les bras de Manfred. Son cœur se déchirait rien qu’à l’imaginer. Il n’arrivait plus à penser. Une douleur intense lui transperçait la poitrine. Il devait lutter. Il lui avait demandé son aide et elle avait accepté. Il remit à Hanaelle le présent de Maryella et une lettre qui lui était adressée. Elle les prit et se dirigea vers la chambre. Elle avait perçu le trouble d’Anauel, mais préféra s’atteler à sa tâche. Elle devait aider Mariana à devenir une vraie coquette. Cette dernière devrait savoir se maquiller, se coiffer et s’habiller seule avant leur départ pour le monde des fées. Elle déposa la lettre sur la table de chevet. Elle la lirait plus tard, même si elle brûlait de curiosité. Se tournant vers une Mariana aux cheveux noués, vêtue d’un jean et d’un pull qui faisait trois fois sans taille, qui découvrait de somptueuses robes de fée en les manipulant comme si elle avait peur de les déchirer, elle se dit que la nuit et les jours à venir allaient être très longs…

Chapitre 20 : La Princesse et le fils de l’Ambassadeur

Mariana se demandait souvent ce qui l’avait poussé à accepter. Ah oui, elle s’en souvenait. C’était une jeune fille à la superbe chevelure rousse. Celle là-même, assise en face d’elle, qui essayait de garder son sérieux pour aider au mieux Mariana dans son apprentissage. Devenir une fée n’était de la tarte ! n’arrêtait pas de se dire Mariana ! Hanaelle lui avait transmis un peu de sa magie pour lui permettre de devenir une fée, ce qui l’avait affaibli pendant quelques heures, mais elle avait vite repris du poil de la bête et se concentrait pour ne pas rire des échecs de Mariana. Mariana avait été bonne élève. En moins d’une semaine, elle avait réussi à assimiler la plupart des us et coutumes des fées. Ce qu’elle savait déjà sur le sujet n’était pas si erroné que ça. Les rencontres entre humains et fées n’étaient pas aussi rares que l'on le pensait et duraient depuis des siècles. Mariana avait en revanche quelques petits problèmes au niveau de la pratique, qui s’était révélée plus ardue que prévue. Cela faisait des jours qu’elle essayait en vain de faire apparaître ses ailes. En effet, chaque fée porte en elle ses ailes. De sa personnalité, de son imagination et de son tempérament dépendront ses ailes : leur forme, leur couleur… Mais pour l’instant, elle n’avait réussi qu’à en faire apparaître des minuscules, des ratés qui mettaient le sérieux d’Hanaelle à rude épreuve. Hanaelle lui donna un conseil : penser à quelque chose d’agréable… Ce fut un nouvel échec et Hanaelle ne put se retenir plus longtemps. Son rire cristallin s’envola dans la pièce. Mariana, furieuse, la regardait mais son rire étant communicatif , ne voilà pas Mariana riant, elle aussi, à gorge déployée. Le fou rire passé, elles se remirent au travail. Hanaelle laissa Mariana s’entraîner et retourna à son plan du palais. Elles l’avaient dessiné ensemble et avaient placé tous les passages secrets que connaissait Hanaelle. Elles avaient même dressé une liste des pièces à visiter en priorité. Hanaelle se penchait maintenant sur les blancs, les pièces inconnues… Mariana de son côté cherchait une pensée agréable. Mais son esprit était obnubilé par Anauel. Elle aimerait tant le revoir… Accompagné d’Oran, il était arrivé devant la porte de l’appartement. Il sonna plusieurs fois mais personne ne répondit. Il essaya d’entrer, la porte s’ouvrit. D’un regard, Oran comprit qu’il devait monter la garde. Anauel entra en trombe pour trouver Mariana dans le salon debout, les yeux fermés, les poings serrés, répétant tout bas : quelque chose d’agréable, quelque chose d’agréable… Il était juste en face d’elle et la regardait. Il ne pouvait pas la quitter des yeux. Qu’elle était belle ! Il n’osait la toucher mais ses mains l’effleurèrent. Elle avait l’impression qu’il était juste à côté d’elle, elle ressentait sa présence… Dans un murmure, elle prononça son nom. Tout à coup, de magnifiques ailes translucides aux reflets d’argent apparurent. Elles se déployèrent derrière Mariana. Comme dans un rêve, elle eut l’impression qu’il l’étreignait. Il ne résista et l’embrassa. Ses ailes se déployèrent. Deux grandes ailes dont les reflets grisés s’étaient quelque peu assombris… Le temps semblait s’être arrêter. Il relâcha son étreinte et disparut. Mariana ouvrit les yeux, elle se trouvait seule dans la pièce. Elle éprouvait une sensation bizarre comme si elle avait vécu un rêve éveillé. Anauel était à présent aux côtés d’Oran qui ne l’avait pas vu revenir. Il referma la porte et frappa. Même s’il ne comprenait pas son attitude, il se tut. Mariana se dirigea vers la porte, c’est alors qu’elle s’aperçut que ses pieds ne touchaient pas le sol mais qu’elle volait. Elle volait ! Anauel cogna à nouveau. Hanaelle entendit les coups sur la porte et se dit que Mariana était tellement concentrée qu’elle n’avait pas dû les entendre. Elle sortit de la chambre et entrevit Mariana qui semblait flotter dans les airs. C’est alors qu’elle distingua deux magnifiques ailes translucides aux reflets d’argent. Elle lui sauta aux coups. Des cris de joie retentirent dans l’appartement :
- Mariana, tu as réussi, tu as réussis… Mais, dis-moi à qui as-tu pensé ? demanda-t-elle avec un sourire coquin.
Elle n’avait pas besoin d’une réponse. Elle savait. Elle l’avait toujours connu seul, sans attache, simplement préoccupé par le bonheur de sa petit protégée. Elle le considérait comme son deuxième père. C’était vrai qu’il était pas mal, pensa-t-elle en riant. Des coups renouvelés interrompirent sa réflexion. Elle ouvrit la porte : Anauel se trouvait devant elle, mais elle
n’aperçut pas Oran. Elle le tira par le bras comme une gamine pour lui montrer la réussite de Mariana. Oran qu’on avait oublié sur le pas de la porte avait décidé de les suivre. Il ne pouvait détacher son regard de cette chevelure rousse qui lui rappelait tant de choses… Mariana sourit à Anauel et de légères rougeurs colorèrent ses joues. Il lui rendit son sourire. Hanaelle n’avait pas encore vu le jeune homme, contrairement à Mariana, qui le fixait maintenant avec curiosité. Anauel lui aussi avait quelque peu oublié Oran qui était toujours subjugué par la chevelure de la jeune fille dont il n’avait pas vu le visage. Il décida de faire les présentations. Se tournant vers Hanaelle, il déclara :
- Princesse Hanaelle, je tiens à vous présenter un de ses fils de l’Ambassadeur.
Elle lui lança un regard noir. Le traître, il l’avait prise par surprise. Elle était débraillée, les cheveux en bataille. Elle n’avait vraiment ni l’allure, ni l’attitude d’une princesse. Elle prit une profonde inspiration et fermant les yeux pour se donner une contenance, elle se retourna. Anauel s’amusait beaucoup. Elle était vraiment devenue une jeune femme pleine de ressource.
- Enchantée. Je suis ravie de faire votre connaissance, dit-elle d’une voix tout à fait charmante, un sourire sur les lèvres, en lui tendant sa main dans un geste gracieux.
Elle ouvrit les yeux et l’aperçut. Elle resta sans voix. Oran aussi était figé. Elle s’appelle Hanaelle et c’est la future Reine des Fées…se répétait-il sans cesse. Il n’arrivait même pas à bouger son petit doigt. Hanaelle resta un moment la main tendue dans le vide avant de s’évanouir. Il la rattrapa de justesse lui murmurant tendrement :
- Mon ange, tu m’as tellement manqué.
Anauel et Mariana étaient demeurés sans voix. Leurs regards dubitatifs semblaient dire : que s’est-il passé ? ils se connaissent ? Mariana décida d’aller chercher un peu d’eau pour Hanaelle tandis qu’Oran et Anauel la déposaient délicatement sur le canapé. Quand elle fut installée, Mariana prit la relève et s’occupa d’elle. Anauel avait une foule de questions à poser à Oran. Il lui devait quelques explications.
- Vous vous connaissez ?
- Oui.
- Depuis longtemps ?
Mariana ne lui laissa pas le temps de répondre.
- Tu es Oran ? demanda-t-elle au jeune homme.
Il hocha la tête et elle poursuivit :
- Et tu ne connaissais pas le nom d’Hanaelle.
- Non, elle n’a jamais voulu me le dire… On dirait qu’elle avait peur de quelque chose.
Anauel fut surpris de l’intervention de Mariana, agréablement surpris. Elle avait su gagner la confiance de sa petite protégée qui lui avaient même fait des confidences… Il en était tout de même un peu jaloux. Le jeune homme leur raconta tout : leur première rencontre, leurs rendez-vous, leur premier baiser et leur échange de serment et son soudain départ suite à l’annonce de la maladie de son frère. Mariana put donner la version d’Hanaelle en fournissant quelques explications complémentaires, mais surtout décrire les sentiments de la jeune fille, son état d’esprit. Anauel lui fit le récit des mois qui suivirent son départ : le bannissement d’Hanaelle, sa fuite, ses errances…
Elle avait tant souffert et il n’avait pas été là auprès d’elle comme il le lui avait promis. Elle avait dû se sentir tellement seule… Mais maintenant, il était là et il ne l’abandonnerait plus jamais. Il allait l’aider, l’aider à sauver son monde et à retrouver son père…Il la prit dans ses bras et l’embrassa. La jeune fille se réveilla alors qu’il lui murmurait avec émotion au creux de son oreille qu’il l’aimait plus que tout au monde. Elle se blottit dans ses bras et lui répondit :
- Tu m’as tellement manqué, mon amour. Maintenant, tu es là…
- Oui, je suis là et je serai toujours là.

Chapitre 19: Père et fils

Anauel entra comme à son accoutumé et vit Oran dans les bras de son père. Il comprit que d’importants bouleversements étaient survenus dans la vie de cette famille. Il voulut sortir mais Maryella le retint. C’était un membre à part entière de cette famille et c’était lui qui allait être le guide d’Oran. Elle lui prit son plateau et l’invita à aller s’asseoir. Narwel le vit enfin. Remis de ses émotions, il regarda Oran puis Anauel et dit :
- C’est lui qui sera ton guide dans le Royaume des Fées. Tu n’auras pas de meilleurs alliés.
Pour la deuxième fois de sa vie, il devait accomplir une mission qu’il n’avait pas choisi. Narwel l’avait toujours guidé. Sûr de ses choix, il lui avait toujours fait confiance et maintenant il lui confiait son propre fils. Anauel ne put que répondre :
- Je serai fier d’être ton guide. Mais sache que le combat que nous devrons mener sera périlleux et…
Oran ne le laissa pas finir et prit la parole :
- Je ferai tout pour sauver mon frère !
Il semblait avoir vieilli de dix ans. Anauel avait l’impression d’avoir Narwel d’il y a vingt ans… un mélange d’impulsivité et de réflexion, le tout servi par une obstination sans borne. Il se tourna vers Narwel.
- Si ce que tu penses est vrai alors Oran me sera d’un grand secours pour sauver le Royaume.
- Mais…
- Il n’y a pas de mais , Oran. La vie de ton frère et celle du Royaume sont inextricablement mêlées. Si le Royaume disparaît, ton frère mourra… dit-il d'une voix sombre.
Un long silence suivit cette déclaration.
- Il ne mourra pas, j’en fais le serment, même dussé-je mourir à sa place.
Sa voix, pleine d'émotion, brisa ce lourd silence et Maryella ne put retenir ses larmes plus longtemps. Son fils la prit dans ses bras et la rassura.
- Ma petite maman, personne ne mourra. Tes fils reviendront sains et saufs ! déclara-t-il tendrement en la regardant dans les yeux.
- Occupe-toi bien de lui, Anauel, dit-elle dans un sanglot, en lui tendant la main
Cette main si chaude, légèrement tremblante, il la serra avec beaucoup de tendresse. Elle avait su le réconforter dans des moments difficiles. C'était à son tour maintenant de le faire.
- Je te le ramènerai, sain et sauf.
Elle le remercia d'un regard, plein de reconnaissance. Narwel se sentant lui aussi gagner par une profonde émotion et sachant que la lutte ne faisait que commencer, décida de prendre les choses en main. Il dit d'une voix qui se voulait posé et forte mais qui était, en fait, empreinte d'émotion :
- Il est grand temps de mettre les choses au point. Que se passe-t-il chez nous ?
Anauel lui conta la prise de pouvoir de Manfred, l’emprisonnement du Roi, sa quête désespérée de la princesse qu’il retrouva ici, chez une humaine, et il acheva sur le plan de bataille qu'ils avaient mis en place. Tous l’écoutèrent attentivement. A la fin de son récit, Narwel prit la parole :
- Personne ne se doute de ce que prépare, Manfred ?
- Personne, il est rusé et a su bien s’entourer. Je ne sais pas ce qu’il nous prépare ; mais, je sais qu’il a en sa possession le Spectre Royal et le Sceau du Pouvoir, Hanaëlle, elle, détient l’Anneau Sacré.
- Une bonne chose. Mais s’il la trouve avant que vous ayez pu l’arrêter : tout est perdu…
- Nous serons l’arrêter, asséna Oran d'une voix puissante.
- Narwel, penses-tu vraiment que c’est de cet ennemi dont tu parlais dans ta missive, de ce grand danger.
- Je ne sais pas… Je pense qu’un ennemi encore plus redoutable se cache derrière Manfred, mais que pour l’instant, il attend son heure. Il ne se dévoilera qu’au moment voulu, sauf si nous l’obligeons à se démasquer.
- Mais comment ? demanda Oran d'une voix où se lisait une impatience grandissante.
- En empêchant Manfred de prendre le pouvoir, en déjouer ses plans, décréta Narwel d'un ton serein.
- Mais oui, en l’obligeant à se montrer, à se mettre en position de faiblesse… compléta Anauel.
- Mais quand nous l’aurons démasqué, comment le vaincrons-nous ?
- Chaque chose en son temps, mon fils… Il nous faut quelqu’un pour infiltrer le palais, un espion dont personne ne se méfiera et j’ai quelqu’un en tête.
- Anauel, je connais ce regard, dit Maryella, qui s'était remise de ses émotions.Et j’en suis sûre, il y a une femme là dessous, ajouta-t-elle d'un ton malicieux
- On ne peut rien te cacher à toi ! répondit-il dans un rire. J’ai entièrement confiance en elle et elle est inconnue au palais et très belle...
Il s'interrompit. L'imaginer le troublait de plus en plus.Reprenant ses esprits, il poursuivit :
- Je suis sûre qu’elle parviendra à séduire Manfred.
- Es-tu sûre qu’elle le fera ? qu'elle acceptera de le faire? demanda Maryella d'un ton interrogateur. Ce qui l'inquiétait le plus était sa réction à lui. Il semblait fort épris de cette femme et supporterait-il de la pousser dans les bras d'un autre, de l'y voir ?
- Elle a aidé Hanaelle, c’est une femme forte et courageuse. Elle y parviendra et le fera pour Hanaelle, dit-il sur un ton qui n'autorisait aucune contradiction.
Maryella lui ferait part de ses doutes avant son départ, seul à seul. N'était-il pas comme son fils et ne devait-elle pas le protéger comme tel ?
- Demain, poursuivit Anauel, Oran et moi, nous irons voir la Princesse et lui présenterons notre nouveau plan de bataille.
- Je ne sais pas si Hanaelle acceptera de se cacher et d’attendre, décréta Narwel. Tu la connais bien.
- Elle ne restera pas inactive. Elle servira au palais et cherchera activement son père : elle, seule, en connaît tous les recoins.
- Et ses cheveux roux et ses yeux émeraudes, comment les dissimulera-t-elle ?
Oran fut interpellé : cheveux roux, yeux émeraudes, serait-ce sa belle inconnue. Mais non, ça ne peut pas être elle! Ce n'était pas possible! Mais sa vie avait basculé, il n'était plus un simple mortel, mais le fruit d'une union entre un être féerique et... sa mère, était-elle une fée ? Il était assailli de questions. Il faudra qu’il leur demande quelques précisions qu'il savait ne pas être de première importance.
- Hanaelle les teindra en noir et on envisagera le reste plus tard…
Il s'interrompit, surprenant Oran qui semblait perdu dans ses pensées. Son père, qui l'avait aussi remarqué, préféra l'envoyer se reposer. Une longue journée allait l'attendre demain, et pleines d'autres semées d'embuches et d'épreuves. Il regarda son fils tendrement et lui dit dit d'une voix pleine d'affection:
- Oran, il est tant d’aller dormir. Demain est un grand jour : tu vas découvrir le Royaume des fées et tu vas rencontrer sa future Reine...
- Bonsoir, tout le monde.
Il se leva, embrassa sa mère et partit en détalant. Maryella avait perçu son regard songeur à l’évocation de la princesse… Se connaîtrait-il déjà ? Serait-elle cette jeune fille dont il ne cesse de parler à son frère ? Elle les avait entendus un jour en discuter. Le destin les réunirait s’ils sont faits l’un pour l’autre. Ce n’est pas un monde ni une guerre qui pourra les séparer. Elle en était sûre : l’amour est plus fort que tout. Avec toute cette agitation, il n’avait pas mangé. Elle servit Anauel et Narwel qui continuait à tenir leur conseil de guerre et servit deux plats : un pour Ceydric et un pour Oran. Une discussion mère et fils s’imposait. Elle avait besoin de le serrer dans ses bras et lui faire quelques recommandations, c’était encore son bébé malgré ses seize ans, bientôt dix-sept lui répétait-il sans cesse. Elle sourit à cette pensée.

Chapitre 18 : Histoire de famille…

Ceydric épuisé s’était endormi. Ils avaient parlé plus d’une heure. Comme cela avait été bon de le voir si enthousiasme! Avec ses questions incessantes, il semblait n’avoir jamais quitter ce pays qu’il aimait tant et encore si vivant dans son esprit. Il ne se passait pas une journée sans qu’il y pense… Mais la vie l’avait fait connaître d’autres bonheurs, qui méritaient bien ce petit sacrifice. Il avait rencontré Maryella et ça avait été le coup de foudre. Elle était venue vivre auprès de sa mère à la mort de son père, mais le monde des humains lui manquait énormément. Il savait qu’il devrait quitter son monde pour être avec elle. N’ayant plus de famille, juste une grand-tante, il était prêt à quitter la terre de ses ancêtres pour ses beaux yeux clairs. Maryella avait été troublée par ce jeune homme solitaire. Elle avait aimé son côté « beau ténébreux rebelle », ce qu’elle lui répétait sans cesse, un petit sourire taquin sur le visage. A première vue, c’était une jeune fille à l’air angélique. Elle avait de magnifiques cheveux blonds qu’elle relevait en chignon, machinalement, quand elle se concentrait. Il adorait la voir les enrouler et les maintenir avec ce qu’elle avait sous la main : un stylo, un pinceau, une fourchette… et le léger froncement de sourcil provoqué lors d’un intense effort de concentration. Il l’avait toujours aimée et ce dès leur premier regard. Il l’avait aperçue pour la première fois alors qu’il s’occupait du jardin de sa grande-tante qui ressemblait plus à la forêt vierge qu’à un jardin anglais ! Il essayait en vain de retirer les mauvaises herbes de ce qui avait été un potager. Il ne put retenir un juron. C’est là qu’elle l’avait vu, recouvert de terre et de mauvais herbe, l’air désespéré dans ce jardin à l’abandon qui avait dû être magnifique. Leurs regards s’étaient croisés et Narwel s’était perdu dans ces grands yeux bleus si tendres et pourtant si tristes, et il avait cru distinguer un sourire fugace sur son visage. C’est vrai qu’il avait l’air ridicule dans ce jardin. Mais c’étaient les grandes vacances et il avait décidé de faire une surprise à sa grand-tante, qui depuis la mort de son époux avait laissé le jardin à l’abandon. Il avait un mois pour y parvenir et en s’y mettant tous les jours, il espérait lui rendre partiellement son état d’origine. A sa grande surprise, la jeune fille était venue lui proposer son aide le lendemain, elle adorait les jardins et apparemment son aide ne serait pas de trop. Ils avaient très vite sympathisés. Ce fut la première fois qu’il éprouva le besoin de protéger quelqu’un. Il ne supportait pas de la voir triste et faisait tout pour la faire rire même le pitre s’il le fallait. Ce qu’il apprécia le plus après ces dures journées de labeur furent les délicieuses tartes qu’elle lui préparait. Elle avait pris l’habitude de s’occuper de lui. Elle restait même parfois dormir chez lui. Sa mère le connaissant depuis longtemps, n’y voyait pas d’inconvénient. Voir sa fille heureuse était ce qui comptait le plus, après ce qu'elle avait vécu. A la fin des vacances, ils étaient devenus très proches et ne s’étaient plus jamais quittés. Ils s’étaient trouvés à dix-sept ans et cela faisait maitenant quarante ans qu’ils étaient ensemble. Il fut sorti de sa rêverie par un fumet qui provenait de la cuisine. Il ne voulait pas réveiller Ceydric et sortit de la pièce sur la pointe des pieds. Il se rendit directement à la cuisine. De la porte, il vit sa femme mettre une dernière touche à son repas et Oran attablé devant une tasse froide. Maryella, l’ayant aperçu, lui lança un regard significatif en direction de son fils. Oran, sorti de sa méditation, vit son père. Il lui lança un regard sûr où se lisait toute son obstination. Narwel sut que le combat était perdu d’avance. Il savait bien qu’Oran avait découvert la vérité et qu'étant aussi têtu que lui, il n’aurait pas le dernier mot. Il s’approcha de son fils, posa sa main sur son épaule et lui dit simplement, sur un ton solennel :
- Fais ce que tu crois juste. Tu as ma bénédiction.
Oran se leva et son père le serra dans ses bras.
- Mon fils, pardonne-moi. Je pensais que tu ne comprendrais pas, que tu étais trop jeune… Mais je ne m’étais pas aperçu que tu étais devenu un homme, dit-il des sanglots dans la voix.
C’est à cet instant qu’Anauel entra. Oran vit celui qu’il considérait comme son frère et comprit qu’il allait jouer un rôle important dans sa vie.

Chapitre 17 : Souvenirs, souvenirs…


Cela faisait environ sept ans qu’Anauel n’était pas revenu… Cette maison à la mort de son père était devenue la sienne et Narwel une sorte de père. Il y avait trouvé du réconfort. Même si c’était le meilleur ami de son père, il le connaissait très peu en vérité. Il l’avait rencontré à l’enterrement de son père. Il l’avait tout de suite reconnu d’après les quelques vieilles photos que son père avait mis en évidence sur son bureau. Quand il était petit, il adorait venir s’asseoir sur ses genoux et l’entendre raconter les aventures fabuleuses du trio infernal… Son père adorait en parler. Même s’il s’était juré de ne jamais se perdre de vue, la vie se chargea de les séparer très tôt, trop tôt en vérité. Leur vie bascula dans leur dix-huitième année : Narwel était allé vivre dans le monde des humains, Elohim allait être sacré Roi et son père se retrouva seul. Le trio avait été brisé. Mais avant leur séparation définitive, ils s’étaient jurés de veiller les uns sur les autres et d’être toujours là quand on aurait besoin d’eux. Ils s’écrivaient régulièrement et n’avaient jamais perdu contact. A la mort de son père, Anauel rencontra enfin ses amis de toujours. Malgré son récent veuvage, le Roi en personne s’était déplacé en compagnie de sa fille Hanaëlle. Narwel était venu proposer ou plutôt imposer à Anauel de venir vivre chez lui, ce qu’il n’eut pas la force de refuser. Elohim vint lui présenter ses plus sincères condoléances, les yeux embués de larmes. Il y avait trop de monde dans cette pièce, il étouffait. Il se retrouva ainsi sur le perron en compagnie d’une fillette. Elle ne devait pas avoir plus de 10 ans. Ses cheveux roux lui tombait en cascade sur les épaules et ses yeux verts le regardait avec tristesse. Il lui demanda si sa présence ne la dérangeait pas. Elle hocha la tête négativement. Il s’assit à côté d’elle. Ils ne se dirent rien. Aucun mot ne pouvait traduire la tristesse qui s’était emparé de leur cœur. Ils restèrent là un bon moment avant qu’on vint les chercher. Apparemment, entendant son nom, la petite fille se leva et l’embrassa sur la joue sans un mot, puis alla rejoindre ses parents. Avant de partir, elle lui adressa un signe de main qu’il lui rendit et un petit sourire éclaira un moment son visage. Narwel qui avait assisté à la scène comprit qu’un lien particulier venait de naître en ces deux êtres pris dans la tourmente. Le malheur les avaient unis à jamais. Narwel sut ce qu’allait devenir ce jeune homme. Il ressemblait tant à son père. Tout comme lui, il était doué d’une grande sensibilité. Après avoir vécu quelques temps chez Narwel, Anauel était enfin prêt à rentrer chez lui. Il savait qu’il avait trouvé une nouvelle famille ; mais il voulait se débrouiller par lui-même. Narwel avait tout organisé : Anauel serait le précepteur royal. Il devait se rendre au Royaume des Fées et se proposa de le ramener chez lui. Anauel accepta de l’accompagner, sachant que Narwel voulait rester seul un moment avec lui. Il se rendirent en premier au palais. Le Roi Elohim prit de ses nouvelles et lui permit de visiter le palais tandis qu’il s’entretenait avec Narwel. Il errait dans les couloirs, s’extasiant devant tant de merveilles quand il vit se cachant derrière une statue une chevelure flamboyante. Il fit mine de ne pas l’apercevoir, mais il avait reconnu la chevelure de la petite fille qui s’était réfugiée sur son perron, quelques mois auparavant. Il poursuivit sa contemplation encore quelques instants, puis retourna sur ses pas, suivi par une petite tête rousse. Qui était-elle ? Peut-être une amie de la princesse ? Il n’avait jamais vu la princesse. Il savait juste selon les rumeurs qui courraient sur le palais qu’elle eu en quelques mois plusieurs gouvernantes qui au bout de quelques semaines démissionnaient toutes. Cette petite qu’il avait rencontré quelques mois plus tôt et qui le suivait maintenant dans les couloirs du palais, n’avait pas l’air d’être ce petit démon. L’entretien semblait être terminé, les portes étaient ouvertes, il entra. Elohim qui était assis sur un fauteuil en compagnie de Narwel s’écria :
- Quand on parle du loup !
Il n’eut pas le temps de se retourner qu’il vit un petit éclair roux passait et se jetait dans les bras de son père.
- Où étais-tu passer ma chérie ? La gouvernante se faisait un sang d’encre…
Anauel ne croyait pas ses yeux, c’était bien la princesse. Ce petit fille au visage d’ange était la princesse.
- Je n’avais pas envie de travailler et j’étais occupée, répondit-elle adoptant une moue boudeuse
- A quoi, mon ange ? demanda le roi avec un regard tendre.
Elle lança un regard en direction d’Anauel. A cet instant, le roi avait la même lueur malicieuse dans le regard que sa fille.
- Ma chérie, je te présente ton nouveau précepteur, s’il le veut bien.
Anauel resta sans voix. Lui, le précepteur et de la princesse. C’est une place en honneur si l’on mettait de côté les rumeurs circulant sur le caractère de feu de cette « petite diablesse », comme ses nombreuses gouvernantes l’avaient surnommée. Hanaelle de son côté s’était levée et tournait autour de son futur précepteur, on aurait dit un marchand d’art évaluant un objet qu’il examinait sous toutes ses coutures. Elle avait l’air satisfaite et avant qu’Anauel ait pu répondre, elle lui prit la main et l’entraîna dans une course folle en direction de sa chambre. C’est ainsi qu’Anauel prit ses fonctions. Plongé dans ses souvenirs, il s’était assis machinalement sur le perron et n’avait pas vu Maryella déposait ,sans bruit, près de lui des petits gâteaux et du thé. Il allait se lever quand il aperçut le plateau. Il ne put s’empêcher de sourire. Elle était toujours aux petits soins avec lui et l’avait toujours considéré comme l’un de ses fils. Il apprécia l’attention. Il ne savait pas s’il supporterait de voir Ceydric dans cet état. Si son mal, comme le pensait Narwel , était vraiment lié à ce qui menaçait le Royaume, il l’éradiquerait. Sur cette pensée, il décida qu’il était temps d’entrer. Il se leva, mais se dirigea vers la porte de derrière qui donnait sur la cuisine et qu’avait toujours été ouverte…Des souvenirs pleins la tête, il souriait tandis qu’il traversait comme autrefois ce jardin que Maryella avec beaucoup d’amour avait su rendre splendide.

Chapitre 16 :Révélations sur le monde des fées

Oran était depuis plusieurs semaines au chevet de son frère et ne voulait pas le quitter. Son frère avait toujours le sens de l’humour et ce malgré le mal inconnu dont il souffrait. Oran se forçait à sourire à ses plaisanteries, mais le cœur n’y était pas. Ils étaient en train de parler de chose et d’autre quand leur père entra dans la chambre, le regard sombre. Seul Oran pouvait le voir. Les pieds du lit avaient été mis en face de la fenêtre qui donnait sur la colline environnante. De son lit, Ceydric pouvait voir la nature, comme il l’avait souhaité. Oran regardait fixement son père tandis que Ceydric était plongé dans ce qu’il racontait .La tristesse se lisait dans son regard. Une barbe naissante lui creusait encore plus les traits. Oran ne put s’empêcher de lire sur son visage sa profonde angoisse. Sa physionomie changea tout à coup, il ne voulait pas que son fils puisse lire ses sentiments réels. Il fit un signe de tête à Oran qui se leva, embrassa son frère en lui disant qu’il lui raconterait l’histoire des trois gnomes plus tard. Son père prit sa place et prit la main de son fils. Oran était encore dans la pièce et les observait. Il n’arrivait pas à sortir de la chambre, il avait peur que son frère ne soit plus là quand il reviendrait… Narwel voyant le désarroi de son dernier fils lui adressa la parole :
- Oran , ta mère a besoin de toi dans la cuisine. Elle t’attend.
- Oui, père. J’y vais de ce pas, répondit-il, sorti de ses sombres pensées par la voix de son père.
Il sortit de la pièce et ferma la porte qui s’entrebâilla. Il allait la refermer quand il entendit son père parler. La curiosité fut la plus forte. Cela faisait des semaines qu’il ne venait au chevet de Ceydric que pendant son sommeil. Il ne disait rien, regardait simplement son fils aîné endormi de longues heures d’affilées. Il pouvait même rester une nuit entière. Il s’était enfin décidé à lui parler, mais de quoi se demandait maintenant Oran.
- Fils…
- Oui, père, dit dans un filet de voix Ceydric. Il semblait maintenant épuisé.
- J’ai des révélations à te faire sur tes origines, sur moi, sur mon passé…
Oran n’en croyait pas ses oreilles, qu’entendait-il par là ?
- Je ne comprends pas. N’êtes-vous pas le fils d’un riche érudit qui a passé sa vie à rassembler des œuvres sur le monde des fées.
- C’est en partie vrai… Un long silence suivit cette courte réplique. C’est Narwel qui reprit :
- Je dois t’avouer autre chose. Je crois que tu es en droit de savoir.
Ceydric ne répondit rien. Il hocha simplement la tête en regardant intensément son père. Il savait que son père venait le voir la nuit durant son sommeil. Il l’avait aperçu entre deux réveils. Il semblait perplexe et inquiet. Ceydric avait peur de mourir, mais ne voulait pas y penser. Il préférait montrer une face souriante pour ne pas inquiéter ses proches, ne pas leur transmettre ces doutes qui les effleuraient tous, en vérité.
- Vois-tu ce que le monde que tu vois dans tes rêves existent vraiment. C’est de là que je viens. C’est le monde des fées.
- Je savais qu’il existait, j’en étais certain, murmura Ceydric dans un sourire.
- Ton frère ne le sait pas. Je ne suis pas sûr qu’il le comprendrait.
- Papa, parle-moi de ce monde que j’aime tant… Narwel sourit et se mit à parler. Pendant ce temps, Oran était comme statufié. Père, un être féerique ? Le Monde des Fées ? Il était envahi de questions. Se ressaisissant, il se dit qu’il y trouverait peut-être le moyen de sauver son frère. Les jambes flageolantes, il marcha en direction la cuisine. Sa mère était-elle au courant ? Sûrement, son père lui disait tout. Sa mère, le voyant si pâle, l’obligea à s’asseoir et lui servit du thé et des biscuits, tout juste sortis du four. Elle savait que son mari devait avouer la vérité à Ceydric… Oran en aurait-il trop entendu ? Ce n’était pas à elle de lui dire la vérité. Si Narwel avait décidé de leur cacher ses origines contre sa volonté, elle n’y pouvait rien. Il lui avait néanmoins promis de leur dire la vérité quand le moment serait venu. Il était venu malheureusement dans un contexte bien sombre. Oran avait repris des couleurs, ce qui la rassurait. Elle savait que si son fils était au cours, il se lancerait à la recherche d’une solution, quitte à s’aventurer seul dans un monde inconnu. A la pensée de la visite imminente d’Anauel, « son troisième fils » comme elle aimait l’appeler, elle se tranquillisa. Il lui servirait de guide et ensemble, peut-être arriverait-il à sauver Ceydric. Faire la cuisine lui avait toujours remonté le moral. Et pourquoi ne pas préparer le plats préféré de Ceydric ? Cette décision prise, elle se mit aux fourneaux, laissant un père et son fils s’abandonner aux joies des retrouvailles et un autre perdu dans ses pensées.

Chapitre 15 : Un allié potentiel

Anauel était rentré sans encombre au pays. Il avait enfin retrouvé la Princesse, qui avait trouvé refuge auprès d’une jeune humaine qui avait du cran, Mariana. Anauel avait perçu le lien qui unissait les deux jeunes femmes et en peu de temps, avait eu une confiance absolue en Mariana. Elle avait décidé de les aider dans leur entreprise et ce même au péril de sa vie. « Elle mériterait de faire partie des nôtres », pensa soudain Anauel. Il sourit. Il était, il est vrai, tombé sous le charme de cette brune à la peau claire et aux grands yeux marrons dont le caractère à la fois intrépide et sensible l’avait troublé . Il fallait maintenant parer au plus pressé et arrêter de rêvasser. Qu'en était-il de Manfred? Avait-on eu connaissance de son absence? Il s'était arrangé pour que quelqu'un passe la nuit chez lui. Il fallait faire illusion et ne pas attirer les soupçons. Il s'était fait porter malade; et comme tout le monde savait qu'il était de très mauvaise compagnie quand il était malade, personne, en général, n'osait venir le déranger,Son absence de trois jours n’avait, semble-t-il, pas attiré l’attention de Manfred, ce qui était un atout de taille. Il ne l'avait apparamment pas fait demander : aucune missive n'avait été glissée sous sa porte. Soulagé, il se laissait choir dans son fauteuil préféré.Il savait qu'il allait bientôt devoir mener une guerre sans merci et secrète pour sauver le Royaume des Fées. Sur la table basse, il aperçut une missive spéciale. Il eut un frisson d'angoisse. Il se rassura à la vue d'une écriture familière. Il avait, en effet, reconnu l'écriture d'un très vieil ami.Elle émanait, en effet, d’un ami de longue date, Nawel, qui était Ambassadeur du Royaume des Fées chez les mortels. Dans sa lettre, il lui faisait part de ses craintes à propos du Royaume et de ce danger menaçant et imminent qui planait sur lui. « Ce serait un allié de poids », se dit Anauel, qui lui écrivit immédiatement pour lui dire qu’il viendrait le plus tôt possible lui apporter son soutien dans cette douloureuse épreuve qu’il traversait en ce moment. Il l’envoya tout de suite par courrier spécial. Il savait que ses lettres étaient surveillées et il ne devait en aucune façon dévoiler ses véritables intentions. Il décida donc de partir sur le champ, sachant qu’Hanaëlle ne serait pas de retour avant une bonne semaine, le temps de transformer Mariana en parfaite petite fée. Il lui fallait en une semaine : apprendre à voler, à utiliser une baguette, une série de sorts utiles en cas de danger et les us et les coutumes pour passer inaperçu. Beaucoup de travail en perspective mais qui porterait ses fruits. Tout aide était bien venue dans un contexte aussi grave ; mais il en était sûr, il parviendrait à sauver le Royaume de l’emprise de Manfred. De toute façon, il en était intimement persuadé : si Manfred montait sur le trône, il n’y aurait plus de Royaume des Fées… Il chassa ses idées noires et après avoir fait ses valises, s’envola vers le monde des humains qu’il venait à peine de quitter. Il se dit qu’il pourrait passer voir Hanaëlle au retour et apprécier les progrès de Mariana, à qui il pensait de plus en plus…
A suivre...
Marypistache

Chapitre 14 : L’histoire de Manfred

Manfred était au comble du bonheur, tout se passait à merveille. Il était devenu en peut de temps le seul confident du Roi Elohim qui n’avait confiance qu’en lui. Il avait su faire oublier le comportement désastreux qu’avait eu son père en tentant de s’emparer du trône. Il avait fait amende honorable à la place de ses parents. Toute son enfance s’était déroulé hors du Royaume des fées dont ses parents avaient été exclus. Mais son rêve était d’en devenir le chef. Il voulait venger l’affront qu’on avait fait subir à ses parents. Son père n’avait jamais plus était le même après cet échec. Cet homme ambitieux était devenu une « loque » aux yeux de son fils. En réalité, lui et sa femme avait décidé de changer de vie et ils étaient devenus fermiers. Ils aimaient beaucoup leur nouvelle vie et ne regrettait pas vraiment l’ancienne faite de complots et de mensonges. Il menait à présent une vie calme et honnête et pouvait enfin offrir à leur unique fils un foyer chaleureux et uni. Manfred n’était pas du tout de cet avis. Il regrettait le faste du palais, son père n’était-il pas le frère du Roi ? Pourquoi devrait-il vivre si loin du Royaume et dans cette ferme minable ? Il n’avait jamais révélé à ses parents toute la rancœur qu’il avait cumulée au cours des années. A la mort de ses parents, dans un tragique accident, il fut rapatrié au Royaume. Il n’avait pas d’autre famille que le Roi et ce dernier ne pouvait pas laisser un jeune homme du même âge que sa fille sans famille.
Manfred était donc venu vivre au palais et était tombé fou amoureux de sa cousine Hanaëlle, une splendide rousse de seize ans qui avait un caractère de feu. Dès le premier regard, il avait perçu de l’hostilité dans le sien, elle semblait avoir perçu sa véritable nature. Toute la cour le trouvait courtois, sage et réservé. Il avait l’allure d’un chef : une stature imposante, des cheveux noirs, un regard sombre à la fois profond et troublant, une voix grave qui savait être aussi douce qu’autoritaire. Des bruits même courraient à la Cour : on voyait en lui, le futur Roi, ce que l’appui du Roi Elohim avait confirmé par la suite. Il était enfin sur le trône mais ce n’était que provisoire. Il avait de nombreux partisans qui connaissaient ses noirs desseins et étaient devenus des serviteurs dévoués. Reprendre ce qui lui était dû était son leitmotiv. C'était son père qui aurait dû devenir Roi mais il en avait décidé autrement. Leur père, son grand-père, avait trouvé son fils aîné trop attiré par le pouvoir, il savait qu’il aimait comploter et était au courant de ses ruses pour obtenir ce qu’il désirait. Ce dernier était devenu encore plus dangereux depuis qu’il avait rencontré Dame Maybelle, la mère de Manfred, une femme à la beauté du diable, et des plus ambitieuses. Il avait donc préféré à son fils aîné, son petit frère Elohim, plus sage, qui savait être juste et apprécié vraiment la beauté et la magie du Royaume. C’est ce qui avait poussé Mébahel à comploter contre son propre frère, pour l’empêcher de devenir Roi. Il y était presque parvenu sans l’intervention de son père, qui connaissant son fils aîné s’attendait à une machination de ce genre. Mébahel fut exclu à jamais du Royaume des fées et Elohim fut proclamé Roi à dix-sept ans . De son bannissement, Mébahel ne se remit jamais. Il avait entraîné dans sa chute sa future femme, Dame Maryelle. Cela faisait plus d’une heure que Manfred était perdu dans ses pensées quand il reçut une missive de l’Ambassadeur du Royaume des fées. Il attendit d’être seul pour la lire. Le serviteur parti, il la lut attentivement et la déchira avec fureur. Qui était-il pour mettre en péril son plan ? Qui était ce Nawel ? Un gêneur qu’il faudra penser à éliminer. Manfred se remit de sa fureur et décida de répondre à la missive de ce Nawel en l’assurant que tout allait bien et que le Roi lui avait fait parvenir des nouvelles rassurantes et prometteuses. Il savait que sa milice ne tarderait pas à trouver Hanaëlle qui deviendrait qu’elle le veuille ou non sa femme. Manfred ne put s’empêcher de sourire à cette idée. Elle ferait une superbe Reine… Il appela un messager qui partirait sur le champ délivrait la missive. Quand il se retrouva seul, il ne put réprimer un frisson de satisfaction, il ne lui manquait plus que l’Anneau sacré pour être un Roi à part entière et il savait où le trouvait. Hanaëlle n’avait-elle pas avouer un jour sans le vouloir que c’était le bijou qu’elle préférait, celui qui lui rappelait sa mère ? Et qu’aurait-elle pu emporter avec elle avant de s’enfuir ? La seule chose qui comptait le plus pour elle… L’anneau. Il en était certain quand il la retrouverait, il retrouverait l’Anneau sacré. Un rire machiavélique tordit affreusement son beau visage.


Chapitre 13 : L’ambassadeur du Royaume des fées

Oran était de plus en plus inquiet, la maladie de son frère ne cessait d’empirer. En effet, Ceydric avait de plus en plus de mal à rester éveillé et souffrait atrocement. Oran restait jour et nuit à son chevet. Les parents de Ceydric savait que leur fils avait hérité d’un lien étrange avec le Royaume des fées. A travers ses œuvres, il en exprimait la magie. Il ne l’avait jamais vu, mais en simplement rêvé. Comme il le disait souvent, il puisait ses créations dans ses rêves, dans le monde merveilleux des fées. Il ne croyait pas si bien dire. Ses parents ,n’arrivant pas à trouver la source de ce mal étrange qui touchait leur fils, se dirent que son mal était sûrement dû à un maléfice . Ce que leurs deux fils ne savaient pas, c’était que leur père était un être féerique venu tout droit du Royaume des fées. Il était tombé sous le charme de leur mère et avait décidé de tout quitter pour vivre auprès d’elle. Etant un ami intime du Roi Elohim, il lui fut confier la fonction d’Ambassadeur du Royaume des fées. C’est lui qui était chargé de faire le lien entre les deux mondes et il était également en charge de tous les êtres féeriques venus vivre dans le monde des humains. Pressentant un danger imminent, il fit parvenir une missive à ses compatriotes qui disaient à peu près ceci :

Avis à tous,
Le Roi Elohim, depuis la disparition de sa fille, est au plus mal. La princesse Hanaëlle n’ayant toujours pas donné signe de vie et n’ayant toujours pas été repérée par les équipes de recherche, le Roi a décidé de partir lui même à sa recherche. Il semble l’avoir retrouvée, selon les dires de ses proches et ne tarderait pas à rentrer. Ce qui est une très bonne nouvelle. Le neveu du Roi à qui le Roi semble faire entièrement confiance, Manfred, a la charge du trône. Tout semble allait pour le mieux dans le Royaume des fées. Mais le mal inconnu dont souffre mon fils Ceydric ne cesse de s’aggraver et de m’inquiéter, et, sachant le lien qui unit mon fils au Royaume, je pense sincèrement que quelque chose se trame dans l’ombre et menace notre Royaume. Soyez vigilant, un grand danger nous guette et un ennemi d’un force inconnu se tapit dans l’ombre. Si vous ou un de vos proches avait également un mauvais pressentiment qu’il m’en tienne informé. Cette missive sera également transmis au Roi en place qui, j’en suis sûr, prendra en considération mon opinion et la transmettra au peuple. Si vous voulez avertir vos proches, libre à vous. Ce n’est que mon sentiment personnel dont je voulais vous faire part. Je suis persuadé que le mal dont souffre mon fils a quelque chose à voir avec le Royaume des fées. Sachez que ni la magie de nos anciens, ni celle des humains n’arrivent à en venir à bout… Notre ennemi se cache et semble très puissant. Encore une fois, soyez sur vos gardes.

Votre Ambassadeur dévoué
Narwel


Il ne voulait pas inquiéter inutilement ses compatriotes mais il savait faire confiance à ses pressentiments, ce qui l’avait plus d’une fois aidé et sauvé de situations délicates. Ce fut un choix cornélien. Fallait-il vraiment faire part à tous de ce pressentiment qui impliquait le Royaume ? Le croirait-on ? Peu lui importait, il valait mieux être trop prudent que pas assez. Une centaine de missive fut ainsi envoyé aux quatre coins de la planète. Le sort en était jeté, on le croirait ou il passerait pour un fou. Le sentiment de son devoir accompli, il retourna au chevet de son fils pour lui apporter tout le soutien qu’il pouvait et lui révéler sa véritable histoire, qui il était vraiment et tout ce qu’il devait savoir sur ce fabuleux Royaume qu’il ne verrait peut-être que dans ses rêves…

Chapitre 11 : La Fée Hanaëlle

Mariana se sentait défaillir à nouveau, mais elle fut retenue par deux bras puissants. Dès qu’il avait compris qu’elle allait de nouveau s’évanouir, il s’était levé précipitamment pour la récupérer. Il comprenait sa surprise et son émotion dont il était en partie responsable. N’était-ce pas à cause de lui qu’elle devait vivre tous ces changements ? Mariana rouvrit les yeux et plongea une fois de plus son regard dans ces yeux gris clair. Il la regardait avec douceur et avec une légère pointe d’inquiétude dans le regard. Mais qu’avait-elle à s’évanouir à tout de champ ? Il fallait qu’elle retrouve ses esprits et la raison. La raison, elle pensait bel et bien l’avoir perdue pour de bon. Hanaëlle, une fée ! Elle aura tout entendu aujourd’hui ! Il fallait surtout qu’elle sorte vite de ces bras même si c’était la première fois qu’elle se sentait aussi bien. C’est tout de même un inconnu, pensa-t-elle . Chose étrange, Hanaëlle semblait le connaître. Elle reprit une contenance.
- Assez plaisanter ! venons-en aux choses sérieuses.
Mariana ne pouvait admettre qu’Hanaëlle était une fée. Même si elle voulait y croire… c’était impossible qu’une fée soit aussi grande et n’ait pas d’ailes !
- Mais je suis très sérieux, répondit posément l’homme aux magnifiques yeux gris. Pardonnez mon impolitesse, je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Anauel.
Ca me fait une belle jambe, ne put-elle s’empêcher de penser. C’est peu commun comme prénom, aussi mystérieux que son possesseur, se dit-elle.
- Premièrement, Hanaëlle n’a pas l’air d’une fée. Deuxièmement où sont ses ailes, troisièmement, elle n’est pas un peu grande pour une fée et enfin quatrièmement pour finir… Arrêtons avec ces sornettes ! dit-elle en se jetant sur le canapé.
Hanaëlle regarda Anauel qui ne semblait pas inquiet. Il avait un petit sourire en coin et semblait s’amuser de l’incrédulité de Mariana. Il lui jeta un regard comme pour lui donner le feu vert. Il lui permettait d’enfreindre les règles. Hanaëlle ne se fit pas prier deux fois et elle allait exaucer tous les vœux de Mariana. Il lui fallait un peu de concentration pour faire réapparaître ses ailes. Cela faisait des mois qu’elle ne les avait pas faire apparaître et elle prit quelques minutes pour y parvenir. Sous ses yeux, Mariana vit apparaître derrière la jeune fille deux magnifiques ailes translucides et scintillantes. Elle n’en croyait pas ses yeux, son cœur ne l’avait pas trompé. Hanaëlle était belle et bien une fée. Hanaëlle ne voulait pas s’arrêtait en si bon chemin, elle allait retrouver sa taille réelle quand Anauel l’en empêcha.
- Nous n’avons plus de temps à perdre, déclara-t-il d’une voix forte. Votre père et le Royaume courent un grave danger, Princesse, et vous seule, pouvez les aider.
Hanaëlle regarda Mariana qui n’avait pas dit un mot depuis un certain temps et allait parler quand Mariana déclara d’un ton solennel :Il est des choses qui n’attendent pas, Princesse Hanaëlle.


Chapitre 12 : Révélations sur les parents d’Hanaëlle

Anauel regarda avec étonnement Mariana, il avait pensé qu’il lui aurait fallu plus de temps pour admettre l’évidence. Il s’était même attendu à ce qu’elle perde connaissance une fois de plus. Elle avait su le surprendre. Mariana pouvait lire de la stupéfaction dans le regard de l’homme à la stature imposante. Sa stature et ses longs cheveux gris
donnaient l’impression qu’Anauel était un homme d’âge mûr alors qu’en réalité , il était à peine plus âgé que Mariana. Ayant retrouvé ses esprits, il poursuivit :
-Votre père était fou de douleur à la mort de votre mère. Vous aviez toujours pensé que votre mère était une fée. Mais en réalité, votre mère était une humaine. C’était une artiste et elle adorait peindre des paysages.
Votre père l’avait rencontrée un jour alors qu’elle peignait un magnifique soleil couchant, non loin du Royaume des fées. Il était tombé
immédiatement sous son charme et venait la voir tous les jours. Votre mère était fort belle, il est vrai.
Hanaëlle pouvait comprendre ce que son père avait éprouvé. N’avait-elle pas vécu la même chose avec Oran.
- Par amour pour lui, elle l’avait suivi dans son monde et abandonna le sien.
Elle n’avait aucune famille et vivait seule dans une petite cabane dans la forêt. Elle accepta par amour d’assumer la charge royale et de devenir Reine. Votre mère était faite pour être régner, tout comme vous. Votre père était fou de douleur à sa mort, même s’il savait que son espérance de vie était limitée. Etant une ancienne humaine, elle vivrait peut-être centenaire ans alors que lui vivrait pratiquement le double. Ils le savaient tous les deux et avaient accepté le sacrifice. Votre père était le futur Roi et il ne pouvait abandonner son trône. Il était le seul héritier du trône. Quand il apprit que vous étiez tombée amoureuse d’un humain. Il fut fou de douleur. Il ne voulait pas que vous vivez la même chose que lui et préféra vous chasser pour que vous ne fassiez pas la même erreur que lui. Il voulait que vous soyez heureuse et que vous n’ayez aucun regret lorsque vous quitteriez définitivement le Royaume des fées pour le monde des hommes. Il savait que chez les humains, votre espérance de vie serait pratiquement identique à celle de votre amant. Il a beaucoup souffert de votre séparation et ne se sentant plus le courage de gouverner depuis votre départ. Il a délégué peu à peu ses pouvoirs, en faveur de votre cousin Manfred
- Quoi, à cet être cupide et avide de pouvoir, s’écria-t-elle
- Il a su se montrer compréhensif et à l’écoute. Votre père a été dupé. Il est maintenu enfermé quelque part dans le château et Manfred s’apprête à prendre le pouvoir.
- Mais, il ne le peut pas ! s’exclama-t-elle. Il n’a aucun droit !
- Si, il le peut. Il a en sa possession le Sceptre Royal et le Sceau du Pouvoir. Il ne lui manque plus que…
- L’Anneau sacré qui le liera définitivement au trône, dit Hanaëlle dans un souffle.
- Oui, c’est bien ça. Mais pour le moment personne ne sait où il est.
Hanaëlle souleva la chaîne qu’elle portait autour du coup et ils virent apparaître deux anneaux dont un d’or fin sur lequel était incrusté une pierre qui brillait de mille feux. Ils restèrent tous sans voix. Hanaëlle prit la parole et s’expliqua:
- C’était la bague préférée de ma mère. Je ne pouvais pas partir sans la prendre. Je voulais garder un souvenir d’elle et de mon monde. Je savais que Père ne s’apercevrait pas de sa disparition avant l’intronisation d’un nouveau couple royal. Mais, je ne pensais que cela arriverait aussitôt.
- Bien plus tôt que vous ne le pensez, Princesse. Manfred est à votre recherche. Il désire faire de vous, sa reine pour accéder légitimement au trône.
- Mais, je ne veux pas ! dit elle avec dégoût.
- Il vous forcera. Il est rusé. Sûrement en échange de la vie de votre père, qu’il tient enfermé dans un endroit connu seulement de lui et de quelques-uns de ses fidèles serviteurs. Mais, poursuivit-il, s’il vous trouve , il trouvera également l’anneau et alors, plus personne ne pourra s’opposer à sa volonté. Et vous n’aurez plus le choix…
- Mais personne ne s’inquiète pour mon père, s’indigna-t-elle.
- Manfred a fait dire qu’il vous avait retrouvée et qu’il était parti vous rejoindre. Il a ajouté que ,par décret spécial, votre père lui avait délégué les pleins pouvoirs en son absence.
- Votre père l’avait déjà fait à de maintes occasions et personne ne se doute de rien. De plus, personne ne connaît Manfred à la cour. Il a été élevé loin du Royaume et a su tromper tout le monde. Il sera devenu Roi avant que quelqu’un découvre la machination et personne ne peut la dévoiler à part…
- Moi. C’est ça, Anauel.
- Oui, j’en ai bien peur.
- Il faut agir vite et bien. De quel aide disposez-vous ?
- Quelques serviteurs fidèles du Roi et vos amis proches. Je suis venu seul pour ne pas éveiller les soupçons. Votre cousin a mis en place une milice qui surveille vos amis de très près. Il sait que vous êtes la seule à pouvoir vous opposer à lui si vous parvenez à dénoncer sa supercherie. C’est pour cette raison qu’il tient tant à faire de vous sa femme. Vous serez pieds et poings liés. Il vous menacera ou menacera un de vos proches, que sais-je. On ne sait pas de quoi il est capable !
- Retournez au palais et convoquez tout le monde : Je rentre chez moi.
- Soyez la bienvenue, Ma Reine.
- Attendez un peu, Anauel…
- Non, Majesté. L’enjeu est trop important. C’est l’avenir de notre monde qui est en jeu.
Mariana n’en croyait pas ses oreilles. Elle savait bien qu’Hanaëlle était une fée, la future reine du Royaume des fées… mais elle n’arrivait toujours pas à réaliser que tout ceci était réel. Hanaëlle se tourna enfin vers elle et lui adressa la parole pour la première fois depuis le début de la conversation :
- Voulez –vous bien m’aider ?
- Ne t’ai-je pas dit que je serais toujours là pour toi.
La jeune femme lui sauta au cou en la remerciant.
- Hola ! Ce n’est pas une attitude pour une future Reine.
- Tu ne vas pas t’y mettre, toi aussi, répliqua-t-elle
Et elles se mirent à rire. Anauel, voyant qu’Hanaëlle était entre de bonnes mains, s’apprêtait à partir. Il les regarda une dernière fois et sourit. Il ne put s’empêcher de penser qu’Hanaëlle ferait une Reine formidable. Il allait prendre congé quand il entendit une voix lui dire :
- Tu ne vas pas t’enfuir, tout de même.
Hanaëlle le regardait avec un air coquin.
- Tu restes te reposer ce soir, si cela ne dérange pas Mariana. Demain tu repartiras. J’ai envie que tu me donnes des nouvelles du pays.
Mariana ne pouvait lui refuser ce plaisir. Même si son appartement n’était pas très grand, elle trouverait bien un endroit pour la caller. C’était la première fois qu’elle voyait Hanaëlle aussi heureuse. Anauel lui adressa un regard reconnaissant. Il remerciait le ciel qu’Hanaëlle ait été recueillie par Mariana qu’il trouvait aussi séduisante que compréhensive.

Chapitre 9 : L’homme mystèrieux

Hanaëlle avait bien du mal à cacher sa véritable identité dans cette boutique qui était pour elle une sorte de chez-elle. Son monde lui manquait, non pas que le monde des humains ne soit pas attrayant et attirant ; mais elle avait tout perdu. Elle y avait laissé tous ses amis. Du jour au lendemain, elle avait décidé de devenir humaine pour lui. Elle avait fait tout ça pour Oran et elle se retrouvait seule. Heureusement, elle avait rencontré Mariana, qui lui rappelait parfois sa mère de par sa gentillesse. Elle ne lui avait pas dit toute la vérité. Il était vrai que son père l’avait chassée en apprenant qu’elle était amoureuse d’un humain : elle, la future reine des fées ! Comment avait-elle pu oser ? Elle savait simplement que les sentiments ne se commandent pas et qu’elle était prête à tout quitter pour Oran, ce qu’elle avait fait poussé par la colère de son père. Elle savait bien au fond d’elle-même qu’il l’aimait même s’il avait trouvé insupportable l’idée qu’elle, la princesse Hanaëlle, aime un mortel. Mais, rien n’avait pu la retenir dans sa fuite même pas son fidèle serviteur Anauel, qui la connaissait depuis qu’elle était enfant et l’aimait comme sa propre fille. Il avait essayé de la convaincre, en vain. Elle était aussi têtue que son père et avait la rancune tenace. Que de souvenirs douloureux....ne cessait-elle de se répéter. Elle fut interrompue par l’arrivée d’un client peu ordinaire. Il était vécu d’un costume magnifique de velours noir qui rappelait ceux portés au siècle dernier et avait un chapeau de feutre noir qui lui cachait une partie du visage. Mariana était partie faire une course et Hanaëlle était chargée du magasin. C’est sûrement un excentrique richissime, pensa-t-elle. Elle se dirigea vers l’homme qui regardait de très près une statuette et lui demanda s’il n’avait besoin de rien.
- Merci, mademoiselle. Je ne fais que regarder, lui dit-il en lui souriant et en se détournant d'elle pour contempler à nouveau la statuette, qui ne mesurait qu'une dizaine de centimètre et représentait une fée assoupie sur un champignon qu’un petit écureuil regardait dormir.
- Vous êtes sûr. Vous ne recherchez pas un article en particulier ? demanda-t-elle poliment.
- Merci de vous occuper si bien de moi, mais je vous assure que je ne veux que jeter un coup d’œil, répondit-il sans lever les yeux.
- Bien, monsieur.
- Puis-je vous demander quelque chose ?
Il s’était relevé et était plus grand qu’Hanaëlle qui devait lever les yeux pour le regarder. Dieu qu’elle était petite. Sa petite taille était bien plus gênante dans ce monde-ci.
- Oui, bien sûr .
- Quel est votre nom si ce n’est pas indiscret ? Vous n’êtes pas la fille de la propriétaire, il me semble.
- Non, vous avez raison.
Avant qu’elle n’ait pu en dire plus. L’homme avait repris.
- Je ne voulais pas être indiscret. Mais vous me rappelez quelqu’un.
Hanaëlle ne connaissait personne à part les clients de la boutique et quelques amis de Mariana. Très peu de fées, qui vivaient dans ce monde, connaissaient son nom et personne ne devait savoir où elle était. Cela faisait des mois qu’elle s’était enfuie.
- Ca ne ma dérange pas. Je m’appelle Hanaëlle.
Lorsqu’elle prononça son prénom, la physionomie de l’homme changea brusquement. Il porta la main à son cœur. Il semblait faire un malaise. Elle lui proposa de s’asseoir et lui emmena un verre d’eau fraîche. Elle décida de fermer la boutique jusqu’au retour de Mariana.
- Vous allez mieux, monsieur ? demanda-t-elle inquiète.
- Arrête de me vouvoyer, s’il te plait.
Cette voix lui semblait familière. Mais qui était-il ? Hanaëlle recula d’un pas. Elle n’avait pas peur mais ce mouvement fut instinctif.
- Tu ne me reconnais donc pas. Depuis que tu es partie, je suis à ta recherche. Et il a été très difficile de te retrouver.
- Mais cette voix, ne serait-ce pas …
- Mais oui, c’est bien moi.
D’un geste, il retira son chapeau et elle aperçut ses longs cheveux gris attaché par un ruban noir. Elle se jeta dans ses bras et se mit à pleure à chaudes larmes.
- Anauel, Anauel, c’est bien toi. Si tu savais comme tu m’as manqué. Je me suis sentie si seule…
Les paroles jaillissaient de sa bouche. Elle n’arrivait pas à s’arrêter, l’émotion était trop forte. Anauel l’obligea à se taire, essuya de sa main les larmes qui striaient ses joues et la fit asseoir à ses cotés.
- Princesse,…
- Je ne suis plus une princesse, coupa Hanaëlle, qui du coup avait retrouvé tous ses esprits. Elle le fixait, le regard légèrmement courroucé
- Et tu ne me tutoies plus ?poursuivit-elle.
- Hanaëlle, nous avons besoin de toi. Ton peuple a besoin de toi !,s'exclama-t-il la voix pleine d'emotion
Elle se leva brusquement. La colère se lisait à présent sur son visage.
- Je n’ai plus de peuple, mon père m’a reniée parce que j’aime un humain. Je n’ai plus de maison et encore moins de peuple. Je ne suis rien pour vous !
- Vous êtes notre seule chance !
- Je n’appartiens plus au monde des fées !
C’est à cet instant que Mariana entra, Hanaëlle avait oublié de la fermer à clef, et qu'elle aperçut Hanaëlle et cet homme aux oreilles pointues. Elle avait entendu la dernière phrase qu’avait prononcée Hanaëlle , puis ce fut le noir total. Avant de s’évanouir, elle eut cette dernière pensée : C’était donc vrai ! !...


Chapitre 10 : La véritable identité d’Hanaëlle

Mariana se réveilla dans son lit. Elle regarda sa montre. Les aiguilles indiquait onze heures. Elle se demandait bien ce qu'elle pouvait bien faire dans son lit à une heure pareille, un jour de semaine. Les événements de la matinée lui revenait progressivement en tête.Elle se souvenait avoir fait une course et d'être entrée dans son magazin et puis, c'est le noir total. Elle se dit qu'elle devait avoir eu un malaise et que Mariana s'était occupée d'elle comme elle le faisait si bien d'ailleurs, déjà depuis quelques mois. Mais où était Hanaëlle ? C'est à cet instant qu'une phrase lui revint à l’esprit: « Je n’appartiens plus au monde des fées ! » Cette phrase...Cette phrase avait bien jailli des lèvres d’Hanaëlle. Elle en était persuadée. Elle n’avait pas rêvé ! De son côté, la jeune fille, assise sur son canapé favori,ne savait pas comment réagir. Elle avait bien aperçu Mariana qui passait la porte, mais trop tard. La vérité allait donc éclater au grand jour. Tout dépendrait de l’attitude de Mariana. Elle n’avait peut-être rien entendu mais elle savait bien que cet espoir était vain… Peut-être que… La jeune fille était toujours perdue dans ses pensées quand Mariana fit son entrée dans le salon. L’homme à la chevelure grise était là aussi, assis aux côtés d’Hanaaëlle et la regardait avec inquiétude. Mariana ne se souvint pas tout de suite de lui. A force de le regarder, elle se rappela l'avoir entre-aperçu dans la boutique à travers la vitrine et d'avoir trouvé son accoutrement excentrique. Elle ne savait pas quelle attitude adopter. Elle pensait qu'elle devait surement le remerciait d'avoir aidé Hanaëlle à la transporter. Elle savait bien qu'elle n'était pas un poids plume. Hanaëlle, percevant son indécision, prit les devants :
- Mariana, tu m’as fait une de ses peurs. Je n’ai pas compris ce qui t’es arrivé ! Heureusement que ce monsieur a bien voulu m’aider à t'emmener dans ta chambre.
Mariana lui adressa un signe de tête en guise de remerciement et le plus beau sourire dont elle était capable sur le moment.Elle ne savait toujours pas ce qu'elle devait faire. L’homme garda le silence et lui rendit son salut. Il la regardait maintenant avec insistance. Elle avait l’impression qu’il pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. Elle se sentit tout à coup nue et vulnérable. Son regard gris clair la troublait au plus profond d’elle-même. Elle était restée à l’entrée du salon et les dévisageait tous deux. Ils étaient aussi beaux l’un que l’autre et semblaient être entourés d’une aura, qu’elle ne pouvait qualifier que de magique ! Elle décida d’en avoir le cœur net.
- Dis-moi la vérité, Hanaëlle. Qui es-tu vraiment ?
Hanaëlle n’osait répondre. Dire la vérité revenait à trahir une des lois ancestrales des fées, à révéler l’existence du Royuame des Fées et pouvait mettre son monde en péril. Mais mentir à Mariana lui était désormais impossible. Elle était devenue au fil des mois, sa meilleure amie et elle la considérait comme sa famille. Elle savait pertinemment que Mariana était tolérante et ouverte aux idées nouvelles et qu’elle croyait aux fées… Mais elle avait peur que son attitude ne change si elle apprenait que la jeune fille rousse qu’elle avait secourue sans poser de questions était de lignée royale et la future Reine des Fées. Un épais silence flottait dans la pièce. C’est à cet instant que l’homme se leva et prit la parole :
- Je vous présente la Princesse Hanaëlle, fille de son altesse royal Elohim, Roi du Royaume des Fées.

Chapitre 7 : Au chevet de Ceydric

Pensif, Oran était assis sur le rebord de la fenêtre. Son frère s'était endormi. Ce dernier était gravement malade et leur père avait cru nécessaire de le faire venir sans tarder. Il avait dû partir précipitamment et n’avait pas eu le temps de dire au revoir à la jeune fille de la forêt. Il ne connaissait même pas son nom mais elle était dans toutes ses pensées et ne le quittait jamais. Elle lui avait plu dès qu’il l’avait vu. Elle était sortie de nulle part et lui avait demandé la permission de s’asseoir à ses côtés. Ils avaient admiré sans rien dire le soleil achever sa journée en se parant d'une robe couleur rose-orangée dont la beauté les laissa perplexe. Sur la colline, il est vrai, le point de vue était unique, surtout à l'ombre du majestueux viel arbre solitaire qui y régnait en maître. On l'avait surnommé dans la région " l'Arbre aux fées". Une vieille légende disait que quiconque restait suffisamment longtemps, une fois le soleil couché, sans faire un bruit, aurait peut-être la chance de voir de minuscules fées que seul un oeil averti ne confondrait pas avec les lucioles qui l'illuminaient dès la tombée de la nuit. Même si Oran n'y croyait guère plus, il ne pouvait nier la magie qui se dégageait de ce lieu. Entre les racines du vieil arbre, il se sentait à l'abri. Il y allait souvent lorsqu’il se sentait à bout de force et que la tristesse l'accaparait à tel point que toute sensation de joie semblait l'avoir abandonné. Il aimait à contempler les magnifiques couchers de soleil dont la splendeur arrivait à clamer les tourments de son âme. L'état de son frère l’inquiétait énormément. Les médecins étant incapables de définir le mal dont on il souffrait, il s’affaiblissait de jour en jour sans que personne n'y puissent rien. Son père l'avait tenu informé de la situation et dès qu'il l'avait jugé critique, il avait décidé de le faire venir de toute urgence. Un bruit sortit Oran de ses pensées. Ceydric semblait s'être réveillé. Il le regarda, mais il s'était juste retourné. Une immense tristesse s'empara alors de lui. Maintenant qu'il était là que pouvait-il faire de plus? Rien à part passer ces journées au son chevet et de lui parler de la splendide jeune fille rousse qu’il avait rencontré et qui ne cessait de hanter ces pensées. Oran continuait à regarder son frère tout en se remomérant les bons moments qu'ils avaient passés encore, il n'y avait pas si longtemps. Quiconque voyait ces deux frères seraient surpris. Ils étaient aussi différents que complémentaires. Oran était aussi blond que son frère était brun. Ses yeux azurs s’opposaient à ceux de Ceydric, qui étaient de jais. Il était aussi impulsif que Ceydric était prudent. La sagesse de Ceydric lui venait de sa mère, une beauté celte, issue d’une lignée de sang royal. A vingt-neuf ans, il ne cherchait pas à impressionner les gens. C’était un sculpteur hors-pair qui adorait son métier et réaliser de vraies petites merveilles. Il était connu à travers le monde et participait à de nombreux salons. Mais sa maladie, qui s’était déclaré il y avait moins d’un an, l’avait limité dans ses activités, en l'obligeant à rester alité de nombreuses et longues semaines. Ce mal inconnu qui le rongeait ne cessait de croître. Ses parents, fort inquiets, ne savaient toujours pas ce qui en était la cause. Ils n’allaient pas tarder à apprendre qu’elle était lié à leur passé.

Chapitre 8 : Oran et Hanaëlle


En cette fin de matinée, assise à l'ombre dans le jardin attenant à la boutique, Hanaelle n’arrivait pas à sortir Oran de ses pensées. De nombreux garçons lui faisaient la cour mais son cœur ne battait que pour lui. Elle pensait sans cesse aux moments qu’ils avaient passés ensemble sur la colline au pied du vieux chêne à contempler les couchers de soleil… Que de moments agréables ! A leur première rencontre, ils n’avaient pas échangé un mot. A son unique question, il n’avait daigné répondre que par un mouvement de tête en lui jetant un bref coup d’œil. Comme son regard était profond et triste… s’était dit à cet instant Hanaëlle. Ce premier regard l’avait hantée pendant des semaines. Il lui avait rappelé la profondeur de la nuit. Tous les jours, elle allait l’observer en cachette et ne lui rendait visite qu’une fois par semaine. Son père ne devrait être au courant de ses escapades car il l’aurait jamais autorisée à fréquenter ce jeune homme. Même s’il ne prononçait pas un mot, elle avait l'impression de le comprendre, lui et sa profonde tristesse. Malgré cela, une force émanait de lui, une force qui l'apaisait, elle. Elle sentait bien au fond d'elle-même que ce n’était pas un jeune homme ordinaire, qu’il y avait en lui quelque chose de spécial, quelque chose qui l’attirait irrésitiblement vers lui. Au bout de plusieurs semaines, il lui adressa pour la première fois la parole et elle tomba sous le charme de cette voix grave et posée. Il lui parla de cet endroit, des couchers de soleil, de la magie qui s’en dégageait. Elle l’écoutait avec passion, buvant chacune de ces paroles comme un nectar délicieux. Ils ne parlèrent jamais ni d’eux ni de leur vie. Ils ne connaissaient rien l’un de l’autre mais ce qu’ils partageaient était suffisant. Ils semblaient avoir peur de briser la magie du moment qu’ils partageaient. Quand ils étaient sur la colline, ils étaient comme seuls au monde, le monde n’existait plus. Un soir, ils s’étaient jurés d’être toujours là l’un pour l’autre. C’était ce soir-là qu’ils avaient échangé leur tout premier et leur unique baiser. Un moment qu’Hanaëlle n’oublierait jamais et qu’elle graverait à jamais dans sa mémoire. Elle eut envie de tout lui dire ce soir-là : qui elle était, d’où elle venait même si elle savait qu’elle bravait une interdiction ancestrale. Mais, rien n’avait d’importance parce qu’il lui avait dit qu’il aimait et qu’ils avaient échangé leur premier serment d’amour. Mais, elle n'avait pas pu, elle n'en avait pas eu le courage. Après, se souvint-elle douloureusement il avait disparu quand elle avait eu le plus besoin de lui. Il l’avait abandonnée. Elle ne put retenir ses larmes qu'elle essuya d'un geste brusque. Il n’avait pas tenu ses promesses. Une colère sourde l'envahissait mais la tristesse plus pregnante l'emporta. Elle s’était retrouvée seule, sans famille, sans toit, sans aucune des personnes qu’elle aimait le plus au monde. Sous le vieil arbre qui avait perdu à ses yeux toute sa magie, elle avait pleuré une partie de la nuit. A ce moment-là, elle avait pensé mourir de douleur mais la nuit avait laissé place au jour et elle était encore en vie. Elle décida de partir à sa recherche et c’est ce qui l’avait amené devant la boutique de Mariana, cette boutique qui lui rappelait tellement de souvenir. Mais le temps n’était plus à la réflexion, Hanaelle devait partir travailler Mariana devait l’attendre. Mariana ne l’avait pas attendu en voyant la jeune fille pensive au milieu du jardin , le regard perdu dans le vide, elle s’était dit qu’elle n’avait pas à la déranger et avait préféré la laisser seule avec ses pensées. Hanaelle rentra en trombe dans la boutique en s’excusant de son retard. Mariana lui offrit son plus beau sourire et prononca cette phrase qu'Hanaelle trouva quelque peu énigmatique : « Il faut laisser du temps au temps. »

Chapitre 5 : La fée clochette

Tout se passa bien les jours qui suivirent. Hanaelle était appréciée de tous les clients et s'empressait de faire tout ce que Mariana lui demandait. Au bout d’une semaine, elle avait proposé de nouvelles idées de décoration, qui avaient tout de suite plues à Mariana, qui dès la semaine suivante, opéra les changements jugés nécessaires. La boutique re-décorée était plus belle que jamais. Pas de grands chamboulements, mais de simples petits rajouts : des guirlandes de lierre lumineuses par ci, des papillons colorés par là, des couronnes de fleurs sur les étagères. Les fées, qui auparavant décoraient déjà la boutique, avaient été mises en scène. Elles pouvaient se cacher n’importe où dans le magasin, dans un bouquet de fleurs, assise au bord d’une petite fontaine dans le jardin attenant à la boutique, debout sur un chevalet… C’était devenu une des attractions de la boutique particulièrement appréciée des enfants qui s’amusaient à les chercher laissant leurs parents vaquaient tranquillement à leurs occupations. Chaque fois qu’ils en trouvaient une et en indiquaient l’emplacement exact, ils avaient droit au cadeau de leur choix : une image de fée ou un porte-clef, un marque page ou une carte postale voire un mug… C’était Hanaelle qui avait trouvé l’idée et c’était elle qui s’occupait des enfants. Elle les accompagnait dans leur quête et les récompensait. Même ceux qui n’en avait pas trouvé avait droit à un lot de consolation et un baiser de notre « fée maison ». Les enfants l’avaient surnommée « La fée Clochette » parce qu’elle savait énormément de choses sur les fées et qu’elle leur racontait des histoires merveilleuses. Depuis l’arrivée d’Hanaëlle, tous les dimanches après-midi, les enfants ravis se regroupaient autour d’elle pour l’écouter raconter comme elle savait si bien le faire des histoires passionnantes sur « Le Royaume des fées ». Les journées se succédaient et la collaboration entre les deux jeunes femmes portaient ses fruits. Les affaires marchaient bien et une solide amitié s’était liée entre elles, même si Hanaëlle restait très discrète sur ce qui c’était passé. Mariana, ne voulant pas brusquer la jeune fille et même si elle avait des tonnes de questions à lui poser, se retenait du mieux qu’elle pouvait pour ne rien laisser transparaître. Hanaëlle paraissait complètement différente. Elle ne ressemblait plus du tout à la frêle jeune fille au regard triste qui un après-midi de pluie s’était tenue devant la vitrine de la boutique. Elle avait repris des couleurs comme le soulignaient ses joues rosées. Ses yeux, couleur émeraude, avaient retrouvé leur éclat même si de temps en temps, ils semblaient encore voilés de tristesse. Elle adorait ce qu’elle faisait et cela se voyait. Mariana était ravie et fière de sa petite protégée et se disait souvent que les enfants n’avaient peut-être pas tort. Ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants ? C’était peut-être bel et bien une fée après tout… Mais à chaque fois que lui venait cette pensée, elle se grondait, se disant qu’elle était bien trop vieille pour croire encore aux contes de fée.

Chapitre 6 : Révélations


Un mois était passé depuis l’événement et Mariana décida qu’il était temps de parler. Elle savait que la jeune fille risquait de se sentir agressée comme un petit animal blessé mais elle n’avait pas le choix. Aux yeux de la loi, Hanaelle n’était ni sa fille ni un membre de sa famille et elle était encore mineure, donc sous la tutelle de quelqu’un. Elle avait fait passer Hanaelle pour la fille d’une de ses vieilles amies de faculté à qui elle ne pouvait rien refuser. "Comme cette jeune fille voulait travailler , elle avait accepté de la prendre comme stagiaire, ce qui la soulagerait un peu" était l’argument qu’elle proposait aux clients un peu trop curieux. Mais, ses clients l’avaient rapidement félicitée pour son choix en lui faisant remarquer au passage qu’elle avait trouvé une perle rare. De son côté, Mariana pensait de plus en plus à embaucher à plein temps Hanaelle qui s’était révélée d’une aide précieuse, une vraie « petite fée » en somme qui était capable de faire des merveilles avec presque rien. C’était après un très bon repas que Mariana avait fait en l’honneur d’Hanaelle pour fêter son premier mois dans la boutique qu’elle avait décidé qu’il était temps d’aborder les sujets délicats. Assise sur le canapé, Hanaelle était absorbée par le livre qu’elle lisait. Mariana avait décidé de faire un chocolat chaud comme la première fois où elles s’étaient rencontrées pour se donner du courage. Elle deposa la tasse qu'elle avait faite pour Hanaelle sur la table et s’assit à coté d’elle.
- Bois ton chocolat pendant qu’il est chaud. C’est meilleur !
La jeune fille sortit la tête de son livre et vit la mine grave qu’avait adoptée Mariana dont même le ton, qui se voulait pourtant affectueux, était emprunt de tension. Elle déposa son livre, se cala bien dans le fauteuil et but avec délectation une gorgée de chocolat chaud, elle savait qu’elle allait devoir fournir une explication.
- Merci pour le chocolat, il est délicieux, dit-elle doucement.
- De rien. Hanaelle, ça fait un mois que tu vis ici et tu ne m’as toujours rien dit sur ce qui t’avais poussée à venir devant ma boutique…
Elle n’eut pour réponse qu’un profond silence. Mariana poursuivit donc :
- Comme je te l’ai déjà expliqué, tu es mineure et je ne peux pas te garder. On doit te chercher partout. J’héberge même peut-être une fugueuse.
- Je ne me suis pas enfuie, on m’a chassée ! s’était exclamé la jeune fille avec vigueur. Je n’ai plus de maison ! Je ne sais pas où aller… Ma maison, c’est ici… conclut-elle d’une voix à peine audible.
Sa voix s’était mise à trembler et des grosses larmes coulaient de ses yeux. Mariana la prit instinctivement dans ses bras et se mit à caresser doucement ses cheveux.
- Ne t’inquiète pas, va… C’est fini ce gros chagrin ? murmurait-elle à son oreille. Je ne veux pas te mettre à la porte. Je voulais juste savoir si tout allait bien pour toi. Tes parents doivent s’inquiéter.
- Je n’ai plus de parents. Mon père m’a chassé de chez lui. Il m’a dit que je n’étais plus sa fille et qu’il ne voulait plus jamais me voir ! Je ne veux plus JAMAIS retourner là-bas. Il n’y a personne qui m’aime là-bas, personne…
Et elle se mit à pleurer de plus belle. Mariana comprenait sa douleur. Elle savait ce qu’un père, même absent ou même odieux, pouvait représenter. Elle n’avait pas vraiment connu son père et ce manque la faisait atrocement souffrir. Elle vivait ce silence et cette absence comme une absence d’amour. Il n’était pas là , il n’avait jamais cherché à la retrouver parce qu’il ne l’aimait pas. Voir Hanaelle dans cet état lui rappelait sa douleur qu’elle mit de côté pour épauler la jeune fille.
- Il a parlé sous l’emprise de la colère. Il ne pensait pas réellement ce qu’il disait…
Elle fut coupée par le cri d’Hanaelle :
- Je n’avais plus que lui au monde !!!… Pourquoi m’a-t-il fait ça ? Maman me manque tant...
Et elle ajouta dans un cri déchirant de désespoir :
- Pourquoi est-elle partie ??? pourquoi est-elle morte ???…
Son visage était ravagé par les larmes. Elle n’arrivait plus à contenir sa peine, qui semblait intarissable. C’est alors que Mariana se souvient vaguement du nom qu’avait prononcé Hanaelle. Etait-ce Orcan ou Oron ? Elle n’arrivait plus à s’en souvenir mais était persuadée que c’était quelqu’un d’important dans la vie d’Hanaelle. Tenant toujours la jeune fille dans ses bras, elle lui caressait les cheveux, ce qui semblait la rassurer… Elle se concentra et… Oran, c’était Oran, s’écria-t-elle mentalement. Elle tenta une approche :
- Et que pense Oran de tout ça ?
La jeune fille lui adressa un regard étonnée.
- Tu connais Oran. Tu sais où il est ? demanda-t-elle timidement entre deux sanglots.
Elle répondit à regret par la négative . Et ajouta d’un ton qui se voulait désinvolte :
- Je t’ai entendu prononcer son nom quand tu étais évanouie…
Sur le visage de la jeune fille se peignit une expression d’intense déception.
- Je ne voulais pas te faire de la peine. Excuse-moi.
- Non, ça ira. Ca va mieux, dit-elle en reniflant. Merci d’avoir été là, ça m’a fait du bien.
- Mais, je n’ai pas été d’un grand secours, rappela Mariana, qui s’était levée et proposait à la jeune fille une boîte de kleenex.
- Merci, répondit-elle en prenant la boîte.
Mariana qui pensait qu’elles avaient eu assez d’émotions fortes pour ce soir, décida de changer les idées d’Hanaëlle.
- Ca te dirait d’aller au cinéma, si tu n’as pas trop mal à la tête. Je crois bien que tu as pleuré toutes les larmes de ton corps et que tu es à sec pour ce soir.
La jeune fille sourit et inclina la tête . Mariana poursuivit :
- File prendre une bonne douche et retrouve moi ici dans un quart d’heure. Hanaelle se leva et alla se préparer. Mariana ne put s’empêcher de penser que cette jeune fille souffrait terriblement et que malgré sa douleur, elle arrivait à rendre les gens heureux. Elle prit note de ne plus parler ni d’Oran , ni de sa famille qui étaient des sujets encore trop sensibles pour la jeune fille. Elle savait combien était douloureux un chagrin d’amour à cet âge. N’était-elle pas elle-même tombée éperdument amoureuse d’un jeune homme qui avait disparu du jour au lendemain sans laisser de trace sinon son nom. C’est à ce moment qu’entra Hanaëlle qui s’était faite une beauté.
- Mon dieu ! Tu es ravissante ! Mais tu vas me voler la vedette ! C’est moi qui dois trouver un mari, pas toi ! dit-elle en achevant sa phrase dans un éclat de rire qui se transforma en fou rire après la grimace qu’avait faite Hanaelle… Tout n’allait pas si mal, se disait Hanaelle, qui était ravie d’avoir trouvé Mariana sur sa route. Mais elle ne pouvait s’empêcher de penser à ce qui pourrait bien lui arriver. Elle se sentait ,enfin, de nouveau heureuse mais ce qu’elle ne savait pas, c’était que ce bonheur allait être de courte durée et que bien des épreuves l’attendaient encore.
A suivre...
Marypistache

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