Le pays des contesContes et légendes de Bretagne
La Légende de la Roche-aux-Fées

Les fées, au temps où elles vivaient, honoraient après leur mort ceux qui avaient fait quelque bien pendant leur vie, et bâtissaient des grottes indestructibles pour mettre leurs cendres à l'abri de la malveillance et de la destruction du temps, et dans lesquelles elles venaient la nuit causer avec les morts.Et l'on dit que leur influence bienfaitrice répandait dans la contrée un charme indéfinissable, en même temps que l'abondance et la prospéritéC'est dans ce but et dans ces féeriques intentions qu'elles bâtirent la Roche-aux-Fées que nous avons dans un de nos champs. Ces fées, dit-on, se partagèrent le travail : quelques-unes d'entre elles restèrent au lieu où devait s'élever le monument, en préparaient les plans et l'édifiaient ; les autres, en même temps, tout en se livrant à des travaux d'aiguille, allaient dans la forêt du Theil, chargeaient leurs tabliers de pierres et les apportaient à leurs compagnes ouvrières, qui les mettaient en oeuvre. Mais elles ne comptèrent pas à l'avance ce qu'il leur en fallait.

Or, il advint que le monument était terminé et que les fées pourvoyeuses étaient en route, apportant de nouveaux matériaux ; mais, averties que leurs matériaux étaient inutiles, elles dénouèrent leurs tabliers, les déposèrent là où elles étaient quand l'avertissement leur parvint. Or, il y en avait dans la lande Marie ; il y en avait près de Rétiers ; il y en avait à Riche-bourg et dans la forêt du Theil. De là vient qu'on trouve dans tous ces endroits des pierres de même nature et provenant du même lieu que celles qui forment notre Roche-aux-Fées. Depuis longtemps les fées ont malheureusement disparu ; mais le monument est resté. Dans la nuit, quand la bise souffle au-dehors, on entend comme des plaintes dans la Roche-aux-Fées, et l'on dit que ce sont là les morts qui reposent là qui appellent les fées protectrices, et que ces plaintes se renouvelleront jusqu'à ce qu'elles soient revenues. Extrait de "Histoires et Légendes de la Bretagne Mystérieuse", de G. Kogan aux éditions "Aux quais de Paris".

La Vouivre


La Vouivre
Tradition de la Franche-Comté



Un corps d’écailles et de feu qui s’élance dans la nuit et la transperce de l’éclat rougeâtre d’un pur diamant, œil unique, que l’on peut apercevoir à des lieues à la ronde. Serpent ailé au dents tranchantes comme des rasoirs, gardien de trésors enfouis qui ne doivent jamais plus étinceler à la lumière du soleil... Mais aussi, femme-fée, splendide, à la longue chevelure ondoyante, aux yeux verts transparents. Elle se défait parfois de ses atours de serpents en fin d’après-midi pour aller se baigner dans les cascades du Jura et du Doubs. Plus d’un jeune aventureux, caché dans les fourrés, est déjà resté fasciné à contempler son corps parfait... Mais c’est toujours la même histoire : une fois que l’homme a vu le joyau laissé sans surveillance, son cœur ne bat plus que pour ce trésor inestimable... On raconte que la Vouivre est aveugle sans ce joyau... Mais il ne faut pas croire tout ce qu’on raconte... A peine a-t-il mit la main sur le trésor qu’un cris déchirant retentit et un dragon énorme bondit de la rivière pour fondre sur le jeune inconscient que l’on retrouvera le lendemain déchiqueté ou calciné... Si son cœur ne s’était enflammé que pour la belle, une fleur offerte, un poème improvisé aurait pu émouvoir la belle et les mener dans de délicieux ébats... Mais la Vouivre n’a jamais connu un amour véritable... La Vouivre à l’époque gardait le trésor d’un riche seigneur cruel qui était parti se faire décapiter par les maures au cours d’une croisade. Une misérable femme nommée Anna Simon et son bébé, sur les conseils d’un ermite, s’étaient rendus au château abandonné pour essayer d’y trouver de quoi survivre. « On t’y donnera un trésor. Mais ne prend que ce dont tu as besoin, pas plus ! » lui avait conseillé le vieux sage avant de la recommander à Dieu. Tandis qu’elle berçait l’enfant dans la cour, elle vit le donjon se fendre d’une brèche qui lui permis d’y pénétrer après avoir laissé son fils à l’abris d’un buisson. Ce qu’elle vit alors à l’intérieur l’émerveilla : un amoncellement de pierres précieuses et de pièces d’or. Anna remplit ses poches, sa ceinture, son bonnet... Mais à chaque poignée d’or la fissure se refermait un peu plus et c’est de justesse qu’elle pu se faufiler vers l’extérieur. Mais là elle dû constater que son bébé avait disparu. Folle de chagrin elle retourna chez l’ermite : « Je t’avais prévenue... C’est la Vouivre qui l’a enlevé pour te punir de ta cupidité. Dans un an jour pour jour tu retourneras au Donjon et tu déposeras au pied de la tour toutes les pièces que tu as prises. Alors la Vouivre te rendra ton fils. » C’est ce qu’elle fit, et son fils lui fut rendu en pleine forme.
La Vouivre est un animal fabuleux, mi-serpent mi-oiseau, qui est représenté sur plusieurs armoiries de l’Ajoie. Elle tient une place importante dans la mémoire populaire Jurassienne. Le soir, elle se transforme en femme pour prendre un bain dans les rivières de la région. Elle doit alors enlever son œil magique, composé d’une pierre précieuse aux vertus surnaturelles : elle guérit et donne chance et richesse à son possesseur. Beaucoup ont essayé de s’en emparer, mais un seul a réussi. Un valet de ferme usa un jour de ruse pour réussir là où ses prédécesseurs avaient échoué et payé chèrement de leur vie. Il s’était caché dans un robuste tonneau hérissé de pointes en acier avec juste une petite ouverture pour lui permettre de passer la main. Il s’était rendu un soir à l’endroit où la Vouivre avait coutume de se baigner à l’époque, et bien à abris dans sa cachette il attendit la bête. Celle-ci ne tarda pas à se manifester dans un grand battement d’ailes. Elle se posa sur le rivage, se métamorphosa en une splendide jeune femme et posa son œil à l’abris d’un buisson. Pendant que la créature se baignait le jeune homme s’approcha lentement du trésor et s’en empara. En un éclair la bête fut sur lui mais son stratagème fonctionna à merveille : voulant faire éclater le tonneau, la Vouivre s’enroula tout autour mais les pics eurent tôt fait se lui déchirer son énorme queue de serpent. C’est en hurlant de douleur et de dépit que l’animal s’enfuit dans la nuit. Le jeune valet retourna à sa ferme, où grâce aux pouvoirs miraculeux de la pierre, il pu soigner son vieux père adoptif qui était mourant. De ce jour, la prospérité régna sur leur exploitation et ils ne manquaient pas de faire profiter les autres villageois de leur bonne fortune. Quelques temps passèrent... Mais un jour qu’un groupe de villageois se présentaient chez eux pour leur présenter quelques doléances, ces derniers trouvèrent la ferme ravagée. Les corps des deux hommes furent retrouvés défigurés par une indicible expression d’horreur, mutilés et calcinés. La Vouivre était venue reprendre son bien et se venger de l’affront subit. Puis elle quitta la région. On n’en entendit plus parler.



Riquet à la houppe

Il était une fois une Reine qui accoucha d'un fils, si laid et si mal fait, qu'on douta longtemps s'il avait forme humaine. Une Fée qui se trouva à sa naissance assura qu'il ne laisserait pas d'être aimable, parce qu'il aurait beaucoup d'esprit; elle ajouta même qu'il pourrait, en vertu du don qu'elle venait de lui faire, donner autant d'esprit qu'il en aurait à la personne qu'il aimerait le mieux. Tout cela consola un peu la pauvre Reine, qui était bien affligée d'avoir mis au monde un si vilain marmot. Il est vrai que cet enfant ne commença pas plus tôt à parler qu'il dit mille jolies choses, et qu'il avait dans toutes ses actions je ne sais quoi de si spirituel, qu'on en était charmé. J'oubliais de dire qu'il vint au monde avec une petite houppe de cheveux sur la tête, ce qui fit qu'on le nomma Riquet à la houppe, car Riquet était le nom de la famille.
Au bout de sept ou huit ans la Reine d'un Royaume voisin accoucha de deux filles. La première qui vint au monde était plus belle que le jour: la Reine en fut si aise, qu'on appréhenda que la trop grande joie qu'elle en avait ne lui fit mal. La même Fée qui avait assisté à la naissance du petit Riquet à la houppe était présente, et pour modérer la joie de la Reine, elle lui déclara que cette petite Princesse n'aurait point d'esprit, et qu'elle serait aussi stupide qu'elle était belle. Cela mortifia beaucoup la Reine; mais elle eut quelques moments après un bien plus grand chagrin, car la seconde fille dont elle accoucha se trouva extrêmement laide. «Ne vous affligez point tant, Madame, lui dit la Fée; votre fille sera récompensée d'ailleurs, et elle aura tant d'esprit, qu'on ne s'apercevra presque pas qu'il lui manque de la beauté. —Dieu le veuille, répondit la Reine; mais n'y aurait-il point moyen de faire avoir un peu d'esprit à l'aînée qui est si belle? —Je ne puis rien pour elle, Madame, du côté de l'esprit, lui dit la Fée, mais je puis tout du côté de la beauté; et comme il n'y a rien que je ne veuille faire pour votre satisfaction, je vais lui donner pour don de pouvoir rendre beau ou belle la personne qui lui plaira.»
À mesure que ces deux Princesses devinrent grandes, leurs perfections crûrent aussi avec elles, et on ne parlait partout que de la beauté de l'aînée, et de l'esprit de la cadette. Il est vrai aussi que leurs défauts augmentèrent beaucoup avec l'âge. La cadette enlaidissait à vue d’œil, et l'aînée devenait plus stupide de jour en jour. Ou elle ne répondait rien à ce qu'on lui demandait, ou elle disait une sottise. Elle était avec cela si maladroite qu'elle n'eût pu ranger quatre Porcelaines sur le bord d'une cheminée sans en casser une, ni boire un verre d'eau sans en répandre la moitié sur ses habits. Quoique la beauté soit un grand avantage dans une jeune personne, cependant la cadette l'emportait presque toujours sur son aînée dans toutes les Compagnies. D'abord on allait du côté de la plus belle pour la voir et pour l'admirer, mais bientôt après, on allait à celle qui avait le plus d'esprit, pour lui entendre dire mille choses agréables; et on était étonné qu'en moins d'un quart d'heure l'aînée n'avait plus personne auprès d'elle, et que tout le monde s'était rangé autour de la cadette. L'aînée, quoique fort stupide, le remarqua bien, et elle eût donné sans regret toute sa beauté pour avoir la moitié de l'esprit de sa sœur. La Reine, toute sage qu'elle était, ne put s'empêcher de lui reprocher plusieurs fois sa bêtise, ce qui pensa faire mourir de douleur cette pauvre Princesse.
Un jour qu'elle s'était retirée dans un bois pour y plaindre son malheur, elle vit venir à elle un petit homme fort laid et fort désagréable, mais vêtu très magnifiquement. C'était le jeune Prince Riquet à la houppe, qui étant devenu amoureux d'elle sur ses Portraits qui couraient par tout le monde, avait quitté le Royaume de son père pour avoir le plaisir de la voir et de lui parler. Ravi de la rencontrer ainsi toute seule, il l'aborde avec tout le respect et toute la politesse imaginable. Ayant remarqué, après lui avoir fait les compliments ordinaires, qu'elle était fort mélancolique, il lui dit: «Je ne comprends point, Madame, comment une personne aussi belle que vous l'êtes peut être aussi triste que vous le paraissez; car, quoique je puisse me vanter d'avoir vu une infinité de belles personnes, je puis dire que je n'en ai jamais vu dont la beauté approche de la vôtre. —Cela vous plaît à dire, Monsieur», lui répondit la Princesse, et en demeure là. «La beauté, reprit Riquet à la houppe, est un si grand avantage qu'il doit tenir lieu de tout le reste; et quand on le possède, je ne vois pas qu'il y ait rien qui puisse nous affliger beaucoup. — J'aimerais mieux, dit la Princesse, être aussi laide que vous et avoir de l'esprit, que d'avoir de la beauté comme j'en ai, et être bête autant que je le suis. —Il n'y a rien, Madame, qui marque davantage qu'on a de l'esprit, que de croire n'en pas avoir, et il est de la nature de ce bien-là, que plus on en a, plus on croit en manquer. — Je ne sais pas cela, dit la Princesse, mais je sais bien que je suis fort bête, et c'est de là que vient le chagrin qui me tue. — Si ce n'est que cela, Madame, qui vous afflige, je puis aisément mettre fin à votre douleur. — Et comment ferez-vous? dit la Princesse. — J'ai le pouvoir, Madame, dit Riquet à la houppe, de donner de l'esprit autant qu'on en saurait avoir à la personne que je dois aimer le plus, et comme vous êtes, Madame, cette personne, il ne tiendra qu'à vous que vous n'ayez autant d'esprit qu'on en peut avoir, pourvu que vous vouliez bien m'épouser.» La Princesse demeura toute interdite, et ne répondit rien. «Je vois, reprit Riquet à la houppe, que cette proposition vous fait de la peine, et je ne m'en étonne pas; mais je vous donne un an tout entier pour vous y résoudre.» La Princesse avait si peu d'esprit, et en même temps une si grande envie d'en avoir, qu'elle s'imagina que la fin de cette année ne viendrait jamais; de sorte qu'elle accepta la proposition qui lui était faite. Elle n'eut pas plus tôt promis à Riquet à la houppe qu'elle l'épouserait dans un an à pareil jour, qu'elle se sentit tout autre qu'elle n'était auparavant; elle se trouva une facilité incroyable à dire tout ce qui lui plaisait, et à le dire d'une manière fine, aisée et naturelle. Elle commença dès ce moment une conversation galante et soutenue avec Riquet à la houppe, où elle brilla d'une telle force que Riquet à la houppe crut lui avoir donné plus d'esprit qu'il ne s'en était réservé pour lui-même. Quand elle fut retournée au Palais, toute la Cour ne savait que penser d'un changement si subit et si extraordinaire, car autant qu'on lui avait ouï dire d'impertinences auparavant, autant lui entendait-on dire des choses bien sensées et infiniment spirituelles. Toute la Cour en eut une joie qui ne se peut imaginer; il n'y eut que sa cadette qui n'en fut pas bien aise, parce que n'ayant plus sur son aînée l'avantage de l'esprit, elle ne paraissait plus auprès d'elle qu'une Guenon fort désagréable. Le Roi se conduisait par ses avis, et allait même quelquefois tenir le Conseil dans son Appartement. Le bruit de ce changement s'étant répandu, tous les jeunes Princes des Royaumes voisins firent leurs efforts pour s'en faire aimer, et presque tous la demandèrent en Mariage; mais elle n'en trouvait point qui eût assez d'esprit, et elle les écoutait tous sans s'engager à pas un d'eux. Cependant il en vint un si puissant, si riche, si spirituel et si bien fait, qu'elle ne put s'empêcher d'avoir de la bonne volonté pour lui. Son père s'en étant aperçu lui dit qu'il la faisait la maîtresse sur le choix d'un Époux, et qu'elle n'avait qu'à se déclarer. Comme plus on a d'esprit et plus on a de peine à prendre une ferme résolution sur cette affaire, elle demanda, après avoir remercié son père, qu'il lui donnât du temps pour y penser.
Elle alla par hasard se promener dans le même bois où elle avait trouvé Riquet à la houppe, pour rêver plus commodément à ce qu'elle avait à faire. Dans le temps qu'elle se promenait, rêvant profondément, elle entendit un bruit sourd sous ses pieds, comme de plusieurs personnes qui vont et viennent et qui agissent. Ayant prêté l'oreille plus attentivement, elle ouït que l'un disait: «Apporte-moi cette marmite»; l'autre: «Donne-moi cette chaudière»; l'autre: «Mets du bois dans ce feu.» La terre s'ouvrit dans le même temps, et elle vit sous ses pieds comme une grande Cuisine pleine de Cuisiniers, de Marmitons et de toutes sortes d'Officiers nécessaires pour faire un festin magnifique. Il en sortit une bande de vingt ou trente Rôtisseurs, qui allèrent se camper dans une allée du bois autour d'une table fort longue, et qui tous, la lardoire à la main, et la queue de Renard sur l'oreille, se mirent à travailler en cadence au son d'une Chanson harmonieuse. La Princesse, étonnée de ce spectacle, leur demanda pour qui ils travaillaient. «C'est, Madame, lui répondit le plus apparent de la bande, pour le Prince Riquet à la houppe, dont les noces se feront demain.» La Princesse encore plus surprise qu'elle ne l'avait été, et se ressouvenant tout à coup qu'il y avait un an qu'à pareil jour elle avait promis d'épouser le Prince Riquet à la houppe, elle pensa tomber de son haut. Ce qui faisait qu'elle ne s'en souvenait pas, c'est que, quand elle fit cette promesse, elle était une bête, et qu'en prenant le nouvel esprit que le Prince lui avait donné, elle avait oublié toutes ses sottises. Elle n'eut pas fait trente pas en continuant sa promenade, que Riquet à la houppe se présenta à elle, brave, magnifique, et comme un Prince qui va se marier. «Vous me voyez, dit-il, Madame, exact à tenir ma parole, et je ne doute point que vous ne veniez ici pour exécuter la vôtre, et me rendre, en me donnant la main, le plus heureux de tous les hommes. — Je vous avouerai franchement, répondit la Princesse, que je n'ai pas encore pris ma résolution là-dessus, et que je ne crois pas pouvoir jamais la prendre telle que vous la souhaitez. — Vous m'étonnez, Madame, lui dit Riquet à la houppe. — Je le crois, dit la Princesse, et assurément si j'avais affaire à un brutal, à un homme sans esprit, je me trouverais bien embarrassée. Une Princesse n'a que sa parole, me dirait-il, et il faut que vous m'épousiez, puisque vous me l'avez promis; mais comme celui à qui je parle est l'homme du monde qui a le plus d'esprit, je suis sûre qu'il entendra raison. Vous savez que, quand je n'étais qu'une bête, je ne pouvais néanmoins me résoudre à vous épouser; comment voulez-vous qu'ayant l'esprit que vous m'avez donné, qui me rend encore plus difficile en gens que je n'étais, je prenne aujourd'hui une résolution que je n'ai pu prendre dans ce temps-là? Si vous pensiez tout de bon à m'épouser, vous avez eu grand tort de m'ôter ma bêtise, et de me faire voir plus clair que je ne voyais. — Si un homme sans esprit, répondit Riquet à la houppe, serait bien reçu, comme vous venez de le dire, à vous reprocher votre manque de parole, pourquoi voulez-vous, Madame, que je n'en use pas de même, dans une chose où il y va de tout le bonheur de ma vie? Est-il raisonnable que les personnes qui ont de l'esprit soient d'une pire condition que ceux qui n'en ont pas? Le pouvez-vous prétendre, vous qui en avez tant, et qui avez tant souhaité d'en avoir? Mais venons au fait, s'il vous plaît. À la réserve de ma laideur, y a-t-il quelque chose en moi qui vous déplaise? Êtes-vous mal contente de ma naissance, de mon esprit, de mon humeur, et de mes manières? — Nullement, répondit la Princesse, j'aime en vous tout ce que vous venez de me dire. — Si cela est ainsi, reprit Riquet à la houppe, je vais être heureux, puisque vous pouvez me rendre le plus aimable de tous les hommes. — Comment cela se peut-il faire? lui dit la Princesse. — Cela se fera, répondit Riquet à la houppe, si vous m'aimez assez pour souhaiter que cela soit; et afin, Madame, que vous n'en doutiez pas, sachez que la même Fée qui au jour de ma naissance me fit le don de pouvoir rendre spirituelle la personne qu'il me plairait, vous a aussi fait le don de pouvoir rendre beau celui que vous aimerez, et à qui vous voudrez bien faire cette faveur. — Si la chose est ainsi, dit la Princesse, je souhaite de tout mon cœur que vous deveniez le Prince du monde le plus beau et le plus aimable; et je vous en fais le don autant qu'il est en moi.»
La Princesse n'eut pas plus tôt prononcé ces paroles, que Riquet à la houppe parut à ses yeux l'homme du monde le plus beau, le mieux fait et le plus aimable qu'elle eût jamais vu. Quelques-uns assurent que ce ne furent point les charmes de la Fée qui opérèrent, mais que l'amour seul fit cette Métamorphose. Ils disent que la Princesse ayant fait réflexion sur la persévérance de son Amant, sur sa discrétion, et sur toutes les bonnes qualités de son âme et de son esprit, ne vit plus la difformité de son corps, ni la laideur de son visage, que sa bosse ne lui sembla plus que le bon air d'un homme qui fait le gros dos, et qu'au lieu que jusqu'alors elle l'avait vu boiter effroyablement, elle ne lui trouva plus qu'un certain air penché qui la charmait; ils disent encore que ses yeux, qui étaient louches, ne lui en parurent que plus brillants, que leur dérèglement passa dans son esprit pour la marque d'un violent excès d'amour, et qu'enfin son gros nez rouge eut pour elle quelque chose de Martial et d'Héroïque.
Quoi qu'il en soit, la Princesse lui promit sur-le-champ de l'épouser, pourvu qu'il en obtînt le consentement du Roi son Père. Le Roi ayant su que sa fille avait beaucoup d'estime pour Riquet à la houppe, qu'il connaissait d'ailleurs pour un Prince très spirituel et très sage, le reçut avec plaisir pour son gendre. Dès le lendemain les noces furent faites, ainsi que Riquet à la houppe l'avait prévu, et selon les ordres qu'il en avait donnés longtemps auparavant.


MORALITÉ
Ce que l'on voit dans cet écrit,
Est moins un conte en l'air que la vérité même;
Tout est beau dans ce que l'on aime,
Tout ce qu'on aime a de l'esprit.

AUTRE MORALITÉ
Dans un objet où la Nature,
Aura mis de beaux traits, et la vive peinture
D'un teint où jamais l'Art ne saurait arriver,
Tous ces dons pourront moins pour rendre un cœur sensible,
Qu'un seul agrément invisible
Que l'Amour y fera trouver.
Charles Perrault
Contes du Temps passé


La Fée des fleurs



Une vieille légende roumaine dit que lorsque tout ce qui vit prit sa forme et sa dénomination définitive, seul l’homme fut mécontent car la terre lui semblait toute noire et déserte. Il sentait que quelque chose manquait pour que sa vie devînt belle et heureuse. La fée aux fleurs apparut et, en entendant ses lamentations, lui dit :
- Je vais couvrir la terre d’une parure originale qui serait à jamais ta consolation.
A un signe de sa baguette magique, des fleurs en grand nombre sortirent soudain de terre et vinrent se ranger les unes auprès des autres. La fée trempa alors sa plume magique dans les couleurs de l’arc-en-ciel et donna à chacune une coloration différente. Sa plume fit merveille et bientôt toute la terre se trouva couverte d’une multitude de fleurs de toutes sortes.
Les fiers chrysanthèmes purent s’enorgueillir de leurs robes éclatantes et multicolores, les roses de leurs pétales semblables à du velours, les œillets, les jasmins, les lilas, les giroflées de leurs tons chauds et leur suave parfum. Ce fut ensuite le tour des craintives pensées, des timides violettes, si timides qu’elles se cachent derrière leurs feuilles, des campanules et de leurs sœurs les humbles fleurs des champs. En même temps, la fée donnait à chacune d’elles un nom et lui fixait le lieu de résidence qui serait désormais le sien. S’alignant sagement, toutes ces fleurs attendaient le moment de gagner leur nouvelle destination.
Toujours peignant fleur après fleur, la fée se trouva nez à nez avec un rayon de soleil qui l’observait depuis longtemps et l’avait suivie tout au long de ses pérégrinations.
-Mon bon père Soleil, aimerait, lui dit-il, faire quelque chose pour l’humanité. Il souhaitait qu’une fleur à sa ressemblance soit comme lui revêtue d’or pour apporter sa lumière aux humains durant les journées grises où, caché par les nuages, il demeure invisible.
La fée, trempant aussitôt sa plume dans la poudre d’or en recouvrit le tournesol qu’on appela désormais le « grand soleil ».
Un enfant lui demanda ensuite d’inventer une fleur particulièrement belle, pour l’offrir à sa maman. Après avoir réfléchi, la fée choisit le blanc qui est la couleur des candides pensées de l’enfance et , voulant dépeindre la douceur d’un sourire maternel, créa le lys qui est et restera à jamais le symbole de l’innocence.
Lorsque toutes ces fleurs furent prêtes pour réconforter les pauvres humains, on entendit, venant de très loin, de sous un amas de neige, comme un soupir d’enfant abandonnée :
-Je suis la seule à avoir été oubliée, bonne fée, disait une petite voie plaintive, et je suis restée sans couleur et sans nom. Lorsque mes sœurs se disperseront sur la terre pour accomplir leur mission et que leur beauté réjouira les regards, moi je resterai ici et personne ne le saura.
Tout émue, la fée répondit :
- Ne sois pas malheureuse, petite fleur. Toi, qui es la dernière, tu sera la première. Parce que tu as été oublié, petit perce-neige, c’est toi qui, avec tes clochettes toutes blanches, seras chargé d’annoncer la venue du Printemps. A ta vue, tous se réjouiront.
Et c’est depuis ce temps-là que ces fleurs poussent aux quatre coins de la terre et qu’elles emplissent de joie le cœur de tous les hommes épris de beauté.

Extrait de 65 Légendes et Récits autour du monde
Collection « Contes pour rêver »
Librairie Duponchelle


Le pays des contes Contes et légendes de Bretagne
La Houle Cosseu

Un soir à la nuit tombante, un pêcheur de Saint-Jacut revenait des pêcheries, où il était resté le dernier, et, son panier sous le bras, il longeait les rochers qui sont au bas des falaises pour arriver au sentier qui conduisait au village : il marchait pieds nus sur le sable mouillé qui étouffait le bruit de ses pas, lorsqu'au détour d'une petite hanse il apperçut dans une grotte plusieurs fées qu'il reconnut de suite pour telles à leur costume ;elle causaient entre elles en gesticulant avec vivacité, mais il n'entendait pas ce qu'elles disaient ; il les vit se frotter les yeux avec une sorte de pommade, et aussitôt elles changèrent de forme et s'éloignèrent dans la grotte, semblables à des femmes ordinaires.Lorsque le pêcheur les avait vues se disposer à quitter leur retraite, il s'était caché avec soin derrière un gros rocher, et elles passèrent tout près de lui, sans se douter qu'elles avaient été observées. Quand il pensa qu'elles étaient loin, il cessa de se cacher et alla tout droit à la grotte. Il avait bien un peu de frayeur, car l'endroit passait pour hanté ; mais la curiosité l'emporta sur la peur. Il vit, sur la paroi d'un rocher qui formait une des murailles de la caverne, un reste de la pommade dont elles s'étaient frotté les yeux et le corps. Il en prit un peu au bout de son doigt, et s'en mit tout autour de l'oeil gauche, pour voir s'il pourrait, par ce moyen, acquérir la science des fées et découvrir des trésors cachés.Quelques jours après, une chercheuse de pain vint dans le village où elle demandait la charité de porte en porte : elle paraissait semblable aux femmes déguenillées et malpropres dont le métier est de mendier.

Mais le pêcheur la reconnut aussitôt pour l'une des fées qu'il avait vues changer de forme dans la grotte ; il remarqua qu'elle jetait des sorts sur certaines maisons, et qu'elle regardait avec soin dans l'interieur des habitations, comme si elle avait voulu voir s'il n'y avait pas quelquechose à dérober.Quand il sortait au large avec son bateau, il voyait les dames de la mer nager autour de lui, et les reconnaissait parmi les poissons auxquels elles ressemblaient par la forme. Les autres marins ne les apercevait pas ; mais lui savait se garantir des tours qu'elles jouent aux pêcheurs dont elles se font un malin plaisir d'embrouiller les lignes, de manger l'amorce sans se laisser prendre, ou d'emmêler les unes dans les autres les amarres des barques, sources de disputes violentes et de querelles entre pêcheurs.Quelques temps après, il alla à la foire de Ploubalay, où il vit plusieurs fées, qu'il reconnut aussitôt malgré leurs déguisements variés : les unes étaient somnanbules et disaient la bonne aventure ; d'autres montraient des curiosités ou tenaientdes jeux de hasard où les gens de campagne se laissaient prendre comme des oiseaux à la glu. il se garda bien d'imiter ses compagnons et de jouer ; mais il pouvait s'apercevoir que les fées étaient inquiètes, sentant vaguement que quelqu'un les reconnaissait et les devinait.Aussi elles faisaient plusieurs choses de travers : il s'en réjouissait, et souriait en se promenant parmi la foule. En passant près d'une baraque où plusieurs fées paradaient sur l'estrade, il vit que lui aussi avait été aperçu et deviné, et qu'elles le regardaient d'un air irrité. Il voulut s'éloigner ; mais, rapide comme une flèche, l'une des fées lui creva, avec la baguette qu'elle tenait à la main, l'oeil que la pommade avait rendu clairvoyant...

Issu des Contes des paysans et des pêcheurs, P. Sebillot, Charpentier, 1881

Les Trois Voeux
Un jour, un homme (Ch’ha par exemple) rencontre une fée par hasard. Aussitôt cette dernière lui propose d’exhausser trois voeux. L’homme réfléchit et demande : « En guise de premier voeu je souhaiterais avoir toute l’intelligence et la sagesse nécessaires pour choisir avec discernement mes deux prochains voeux. - Très bien, dit la fée en agitant sa baguette magique, tu es exhaussé ! Maintenant que souhaites-tu ? - Plus rien, dit l’homme. Et il passe son chemin...

La Légende de Persine et Mélusine
Tradition Vendéenne

"Si vous essayez de voir une fée En plein jour En pleine lumière En plein midi... Ça marchera pas ! Les fées On les surprend parfois à l’aube Entre deux lumières Emergeant de la brume Ou sous la lune pleine" (Yannick Jaulin - Mélusine) Elinas, roi d’Ecosse, a semé ses suivants au cours d’une partie de chasse. Il est maintenant seul, sur son cheval, au beau milieu de la forêt, gouttant à une tranquillité qui lui est assez peu familière. Il finit par déboucher dans une grande clairière au milieu de laquelle se trouve une fontaine. La fée Persine, reine des fées d’Ecosse, s’y baigne. Elle n’entend pas le roi s’approcher, sans doute trompée par les éclats de la chasse qui se perdent dans le lointain. Elle est d’abord surprise, puis elle reconnait le roi qui reste interdit, bras ballants, devant une telle apparition... Le roi, en un clin d’œil, des sommets du pouvoir, des cimes de la richesse, tout roi qu’il est, le roi Elinas d’Ecosse tombe... en amour. La fée est sortie de la fontaine et se tient devant lui, magnifique et élancée, entièrement nue... Et le cœur d’Elinas bat la chamade, galope même ! Le cœur du roi se rend à cette femme qui semble si fragile A cette reine de l’autre monde... - Je m’appelle Persine, lui dit la fée. Je suis reine de mon peuple et nos deux destins sont désormais intimement entremélés. Je sais lire les signes et déchiffrer les coeurs, sans jamais me tromper... Et c’est là mon pouvoir ! Nous allons nous marier, ô roi... Mais avant tu dois me promettre, que jamais tu ne chercheras à me voir du temps de mes couches. Ainsi parle la fée, et le roi fait le serment attendu. Les épousailles sont bientôt célébrées et le bonheur régne sur le pays. De leur union naissent trois filles : Mélusine, Mélior et Palestine. Il sont heureux... Un temps... Mais le bonheur, ça ne peut que se flétrir. Comme une fleur. Mataquas, le fils maudit, premier né du roi, d’un premier mariage. Mataquas le jaloux, le fourbe... Mataquas pue-la-haine ! - Pourquoi donc, mon noble père, mon puissant roi, pourquoi cet interdit ? Il y a là-dessous, à n’en point douter, quelque mystère qu’on cherche à vous cacher, quelque trahison sur laquelle on ne voudrait pas que vous portiez les yeux, de peur de votre juste courroux. Ne point la voir du temps de ses couches... Vous êtes en votre royaume ! C’est vous qui commandez ! Le roi est noble et fier, alors au tout début, il refuse d’écouter les paroles de son fils. Manquer à sa promesse, il n’en est pas question une seule seconde... Mais deux secondes, déjà, c’est bien plus long... Et les jours Les mois Et le venin qui coule intarissable... Le venin Qui coule Intarissable Le roi est noble et fier, alors il finit par douter. Les démons le tourmentent et lui, seul, il résiste. Mais des démons, on en a toujours à ne plus savoir qu’en faire... Elinas, roi d’Ecosse, car il est noble et fier, entre dans la chambre où Persine baigne ses trois petites. Persine pousse un hurlement, et au dessus du bruit des larmes de ses filles, désespérée elle lance à Elinas : - Tu m’as trahie et nos cœurs se déchirent ! Désormais, et par ta faute, je suis perdue pour toi ! Sans un adieu, ni un dernier regard, elle s’envole en fumée avec ses enfants enveloppés dans une serviette rouge. La baignoire est vide, l’eau s’est évaporée, et l’on raconte qu’Elinas effondré l’a remplie de ses larmes. Persine s’en est allée dans l’île enchantée d’Avallon. Elle y élève ses filles pendant quinze ans. Et chaque matin, un peu avant le jour, elle conduit Mélusine, Mélior et Palestine au sommet de la montagne Fleurie d’Eléonos. De là, elles contemplent le lever du soleil sur les rivages d’Ecosse que l’on devine au loin. - Voyez, mes filles, c’est là que nous aurions dû vivre, heureuses, si votre père n’avait pas manqué à sa parole. La joie aurait été notre quotidien alors que désormais nous sommes condamnées à cette misérable condition... L’amertume, la nostalgie hantent le cœur de Persine qui ressasse sans arrêt le récit de sa tragique épopée. Un jour, l’aînée, Mélusine, réunit ses deux sœurs en secret pour les entretenir d’un plan : - Pendant ce temps qui est passé, j’ai bien réfléchi... Tout est la faute d’Elinas, notre père. Nous sommes maintenant versées dans les sciences magiques... Il serait juste qu’il paie encore plus durement le tourment dans lequel il nous a plongé. Il serait juste Qu’il paie Encore plus durement Le tourment dans lequel il nous a plongé ! Les sœurs acquiescent ; le roi d’Ecosse se retrouve enfermé dans la montagne de Northumberland, que l’on appelle encore Brumblerio. A tout jamais... Enfermé ! Il serait juste Qu’il paie Encore plus durement Le tourment dans lequel il nous a plongé ! Les enfants sont cruels... - Misérable filles ! leur dit leur mère quand elle apprend la nouvelle. Qui êtes-vous pour oser juger le destin ? Qui croyez-vous être pour vous substituer à son bras vengeur ? Qui pensiez-vous ainsi châtier ? Vous n’avez plus votre place sur l’île enchantée d’Avallon et nous devons ce jour nous séparer pour ne plus nous revoir. Elle s’adresse alors plus particulièrement à Mélusine : - Quant à toi, qui est la plus savante, toi par qui tout est arrivé, écoute maintenant quel est ton châtiment. Tu seras désormais, chaque samedi, Serpente du nombril jusqu’aux pieds. Si jamais tu viens à te marier, ton mari ne devra jamais te voir sous cet aspect ni connaître ton lourd secret. A cette condition tu vivras et mourras comme une femme, sinon tu connaîtras la solitude et les tourments sans fin ! Mais quoiqu’il en soit tu seras la source d’une noble et courageuse descendance qui commettra de hauts faits. Adieu, ma première fille, et ne reviens jamais... Les trois sœurs se sont séparées ; Persine, quant à elle, est restée en Avallon, toute seule avec ses souvenirs et son chagrin. Mélior deviendra reine des étoiles filantes et Palestine princesse des cygnes blancs. Mais ce sont là d’autres histoires... La jeune Mélusine va par les chemins, elle arrive en terre de France et erre dans les forêts du Poitou. Au fil du temps, son cœur s’apaise et une belle nuit, elle lit dans les étoiles qu’elle est désormais capable d’aimer. Alors, comme le soleil se lève, du plus profond d’elle jaillit un rire pur et cristallin... Et le temps passe encore et une belle nuit, elle lit dans les étoiles que désormais elle pourra elle aussi être aimée. Elle se rend alors à la fontaine de Sé, au milieu de la forêt de Colombiers. Là, elle quitte sa robe et entre dans l’eau claire pour s’y baigner au clair de la lune. Cette même nuit, le jeune Raymondin galope dans la forêt . Droit devant lui, il ne fait rien pour éviter les branchages qui viennent lui déchirer le visage. Il a mal, la douleur le déchire car la fatalité a fait de lui un meurtrier. En effet, lors d’un terrible accident de chasse il a ôté la vie à son oncle Aimeri, le comte du Poitou. Il galope pour oublier. Si seulement il pouvait oublier ! Il galope sur sa monture hors d’haleine qui l’accompagne au bout de la folie... La chevauchée maudite débouche dans une clairière où soudainement le cheval se met au pas. Raymondin pose pied à terre... et il s’approche de la fontaine, comme hypnotisé. - Je t’attendais, lui dit la fée. Il n’y a pas de mots qui puissent te consoler, pas d’actes qui puissent revenir contre le temps passé. C’est le destin, nous devons y faire face car c’est le lot de toute créature qui pense et qui respire au monde. Et Raymondin, en un clin d’œil, des profondeurs de la folie, des abîmes du désespoir, là où l’obscurité est si opaque que l’on s’y prend les pieds et que l’on tombe encore plus bas, et que l’on se relève pour tomber encore, et bien Raymondin est illuminé... par l’amour. - Il faisait froid, dit-il. Mais cette étrange chaleur tout d’un coup... C’est vous ? - Mais non, c’est toi ! - ... - Je m’appelle Mélusine. Je vais t’accompagner et nous allons nous marier, Raymondin. Mais avant, tu dois promettre, tu dois me jurer que jamais que tu ne chercheras à me voir le samedi. A cette seule condition nous serons heureux. Et Raymondin fait le serment attendu. Mélusine lui conseille de retourner à la cour du nouveau comte du Poitou et de lui dire toute la vérité sur l’accident de chasse. Raymondin écoute son conseil, on lui pardonne, et il obtient même pour son mariage le fief de Lusignan. Peut-être la fée a-t-elle tiré magiquement dans l’ombre les ficelles du destin en faveur de Raymondin... Qu’importe, les premières démonstrations au grand jour de ses pouvoirs sont spectaculaires : la nuit précédent les noces, elle bâtit une chapelle où a lieu la cérémonie et la forteresse de Lusignan dans laquelle le jeune couple s’installe. Le bonheur est là, le pays est prospère. Chaque nuit, Mélusine fait construire des châteaux, des abbayes et des chapelles, au petit peuple de la terre. Gnomes, lutins, farfadets, korrigans, à son service, de quelques pierres et d’un peu d’eau érigent les tours, clochers, dressent vers le ciel édifices et villes entières avant que le soleil ne reprenne sa course. Vouvant, Mervent, les forteresses de Tiffauge, Talmont et Partenay, la tour de Saint-Maixent, les tours de garde de La Rochelle et de Niort, l’église de Saint-Paul-en-Gâtine, et bien d’autres... Toutes ont eut le même architecte : Mélusine. Et si un curieux surprend la bâtisseuse au travail, elle s’arrête et laisse le chantier en l’état. C’est pour cette raison qu’il manque une fenêtre à Merrigoute ou la dernière pierre de la flèche de l’église de Parthenay. Personne ne s’étonne ! Comme si c’était normal... Parfois aussi on entend son rire enfantin qui soulage les peines les plus lourdes à porter. L’amour qu’elle partage avec Raymondin est sans faille, limpide comme l’eau de la fontaine de Sé. Elle lui donne dix fils ! Dix enfants bien étranges... Bizarres comme on dit... Antoine porte à sa joue une griffe de lion, Guion a un œil plus haut que l’autre, Geoffroy avec sa dent de plus d’un pouce, Urian avec un œil rouge et l’autre pers, Oron aux oreilles phosphorescentes semblables à celles d’un chien, Froimond gros nez, Thierry l’homme-singe, Raymond qui est transparent, Armand haut-comme-trois-pommes, et Renon le plus grand mais dont la langue traîne par terre. La famille est riche, alors on ne pose pas trop de questions... Mais tout de même A bien y regarder Quand on réfléchit un peu Ça saute aux yeux ! C’est pas normal ! Pas normal... Combien de Mataquas pourrissent le monde ? Combien de vipères... Raymondin a un frère, le conte Forez. - Ecoute-moi, mon frère, c’est le soucis de ton honneur et de ton renom qui a guidé mes pas. Ton bonheur seul m’importe et tu sais bien que je sacrifierais tout ce qui m’appartient pour toi. Ecoute-moi, mon frère, on jase en ville. Tes enfants, ta femme qui se cache une fois par semaine... M’est avis qu’elle pratique le coït, l’accorte bougresse, avec le démon ! Raymondin est noble et fier, alors au tout début, il refuse d’écouter les paroles de son frère. Manquer à sa promesse, trahir la confiance, il n’en est pas question une seule seconde... Mais deux secondes... Le venin, distillé, purifié, corrosif, coule... On jase en ville... Tes enfants... Ta femme... L’accorte bougresse... M’est avis qu’elle pratique le coït ! Raymondin est noble et fier, alors il finit par douter. Sa confiance s’effrite. Un samedi, rongé jusqu’en son cœur crépitant, il se rend devant la porte interdite. Avec la pointe de son épée, il en perce le bois et il peut bientôt voir tout ce qui se trouve de l’autre coté. Dans une immense cuve de marbre blanc, sa femme se baigne. Elle peigne ses longs cheveux, nue de la tête jusqu’au nombril. Dans l’eau trempe une gigantesque queue de serpent qui claque de temps à autres et projette des éclaboussures jusqu'à la voûte de la chambre. - Trahison ! hurle Mélusine. Nous sommes, mon amour, tous deux damnés ! Toi parce que tu me perds à tout jamais et moi car je retourne au monde des esprits errants et sans abris ! Et elle disparaît par la fenêtre, comme une tornade, en poussant une longue plainte. On prétend qu’elle n’abandonna pas ses enfants pour autant, et qu’elle revint régulièrement la nuit s’occuper d’eux, jusqu'à ce qu’ils fussent en âge de se passer d’elle. Ils grandirent, et selon la prophétie de Persine, donnèrent naissance à d’illustres lignées. Trois mois avant la mort de Raymondin, qui s’était fait ermite à Montserrat, Mélusine apparut à chacun d’eux ; vision d’une femme tourmentée et gémissante, tournoyant seule en peine dans le ciel. De nos jours, on l’aperçoit encore lorsqu’une forteresse de la famille est vendue, ou bien encore lorsqu’un des héritiers de ses fils est proche du trépas. Âme damnée, âme perdue, âme en peine... Mélusine, la fée rieuse, la fée bâtisseuse. Mélusine la fée amoureuse. Plus je dirai et plus je mentirai. Le récit de la fête est déjà la moitié de la fête Un mot dit à l’oreille est parfois entendu de loin On gagne toujours à taire ce qu’on n’est pas obligé de dire Méfiez-vous des histoires...

Le mot fée provient du latin fata, lui-même issu de fatum : la destinée. L'étymologie laisse donc penser que la fée serait liée au destin, dotée d'un don de prédiction ou bien d'une capacité à influencer le destin. Cette racine latine, renvoie donc à une créature tutélaire, celles qui se penchent sur le berceau d'un nouveau-né pour apporter protection et grâces magiques. Cette définition est une référence aux trois Moires, divinités gardiennes du Destin, de la mythologie grecque (les Parques de la mythologie romaine).Avec la fée fata, on retrouve aussi l'archétype classique des fées « matrones », comme dans La Belle au bois dormant.Le terme moderne « fée », était autrefois utilisé également comme adjectif, tel « fé [3]» ou « faé [4]», en ancien français. On l'utilisait par exemple à propos d'un bois faé ou d'un bijou fé. L'adjectif prenant alors le sens « d'enchanté », touché par une magie. On utilise également le verbe féer, enchanter ou être enchanté[5]. Cet emploi élargissait la signification des fées ; elles avaient le don de lancer des sorts, les enchantements, illusions capable d'altérer les émotions et les perceptions, et étaient dotées ainsi de la capacité d'apparaître impressionnantes, terrifiantes ou invisibles.Notons qu'en français moderne, outre un usage restrictif comme nom, fée a le genre grammatical féminin, ce qui accentue certainement la caractéristique sexuée féminine, d'une vision moderne de la fée.Des trolls scandinaves.Mais dans d'autres cultures occidentales, fée est traduit par un mot sans lien avec la racine latine fata. Par exemple, les cultures irlandaises ou scandinaves, avec les racines sidh ou alf[6], issus du gaëlique ou du norrois. On constate alors, que la définition de la nature et du rôle des fées est beaucoup moins restrictive, autant dans l'étymologie que dans le folklore féerique.Cette comparaison des traductions, permet d'apporter une définition plus globale en se basant sur les références identiques entre les différents folklores :La fée est une créature surnaturelle et magique, souvent humanoïde et intelligente, liée aux forces de la nature (ou l'Autre Monde), et vivant en marge du monde des humains.Cette définition élargie des fées, permet alors de rassembler autour du mot "fée" des créatures qui semblent présentes dans toutes les cultures : Les elfes et trolls scandinaves, les bansheeds celtes, les apsaras indiens, les kitsunes japonais…source : wikipedia

Parmi les nombreuses publications parues à Noël en ce début du mois de décembre 1920 en Grande-Bretagne, une couverture attirait particulièrement l'attention : « Un événement qui fera date : des photos de fées ». En trois jours, tous les exemplaires du Strand Magazine étaient vendus, arrachés par un public curieux. Les lecteurs y découvrirent les photos prises dans un vallon du Yorshire d’Elsie Wright, 13 ans, et de sa cousine Frances Griffiths, 11 ans, en compagnie de nombreuses fées.Des photos pour preuveLes photos avaient été prises en 1917 après que les parents d'Elsie, fatigués d'entendre ses histoires de fées au fond du jardin, lui avaient donné un appareil Midg à plaques pour qu'elle puisse leur rapporter des preuves. Elsie avait pris la photo et s'était installée dans le placard que son père utilisait comme chambre noire ; un sourire triomphant avait éclairé son visage lorsqu'elle avait développé le cliché prouvant l'existence de ses amies les fées. Puis elle avait pris et développé une seconde photo. Les Wright n'étaient pourtant pas convaincus de la bonne foi de leur fille. Les négatifs furent jetés au fond d'un tiroir où ils restèrent pendant trois ans, jusqu'à ce que la mère d'Elsie se rende à une conférence sur les fées. Peu de temps après, les photos et les négatifs furent envoyés à Edward Gardner, un expert en photographie. Tout d'abord sceptique, ce dernier emporta les négatifs chez différents professionnels. Le premier, H. Snelling, de Wealdstone dans le comté de Middlesex, déclara : « Ces négatifs sont authentiques, ils n'ont pas été truqués, ont été soumis à une seule exposition et pris en plein air ; toutes les fées qui y figurent ont été prises en mouvement et il n'y a pas la moindre trace de retouche en studio avec des maquettes en papier ou en carton, des fonds noirs, des silhouettes peintes et autres artifices. » Les photographes du siège de Kodak à Londres furent moins catégoriques. Sans affirmer qu’il s’agissait de faux, ils ne certifièrent pas non plus que les photos étaient authentiques. Gardner rendit visite aux Wright à Cottingley, dans le Yorshire. Ceux-ci acceptèrent que les photos soient publiées mais s'opposèrent à ce que leur identité soit divulguée et refusèrent l'argent qui leur était offert. Les deux principales raisons qui auraient pu les pousser à inventer cette histoire – la renommée et la fortune- ne purent être reconnus contre eux. De plus, les deux jeunes filles présentaient des signes de médiumnité, ce qui expliquait pourquoi elles étaient les seules à pouvoir voir les fées. Gardner décida alors d'écrire un article en collaboration avec sir Arthur Conan Doyle, père de Sherlock Holmes et fervent adepte du surnaturel, article qui parut dans Strand Magazine. Conan Doyle rédigea ensuite « l’Arrivée des Fées », qui fut publiée en 1922. Peu de temps après, les experts émirent des doutes quant à l'authenticité des photos, laissant Conan Doyle sous les feux du ridicule. Elsie refusa d'avouer la supercherie pendant 60 ans.Faux et autres visionsEn admettant que les photos de Cottingley aient été des faux, les journaux reçurent, à l'époque, un déluge de lettres de gens affirmant avoir vu des fées. Depuis l’île de Man, le révérend Arnold J. Holmes écrivit : « ...soudain, mon cheval s'arrêta net et, en face de moi, je vis à travers l'obscurité et les rayons de lune brumeux ce qui me semblait être une petite armée de silhouettes indistinctes, minuscules, et vêtues d'habits de tulle. » Madame Hardy, de Nouvelle-Zélande, raconta qu'alors qu'elle rentrait son linge à la nuit tombante, elle entendit un bruit de sabots. « J'ai regardé autour de moi et j'ai vu que j'étais entourée par huit ou dix minuscules personnages montés sur de tout petits poneys comme des Shetlands nains... Les personnages avaient le visage brun et leurs poneys étaient eux aussi bruns. S'ils portaient des vêtements, ils devaient être très près du corps, comme des combinaisons d'enfants. Ils avaient la taille de minuscules nains ou d'enfants de deux ans, environ".


Un soir, sur la lande éclairée par la pleine lune,
Je vis avec ravissement
Servie par son charmant équipage
La minuscule reine des Fées
Qui s'adonnait à ses délicieuses festivités...


Richard BROME



J'ai rencontré une dame dans les prés,
Très belle, la fille d'une fée:
Ses cheveux étaient longs, ses pieds légers,
Et ses yeux sauvages.




John KEATS


Elles déploient leurs ailes d'insecte au Soleil, frétillant dans la brise, ou se laissant sombrer dans les Nuages d'Or.
Leurs silhouettes translucides sont bien trop frêles pour que le regard humain les capte.
Leurs corps éthérés se fondent à demi dans la lumière.


Alexander POPE.

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Le Monde des Fées s'ouvre à vous ... Bonne visite et à bientôt...

A propos


Le Royaume des fées côtoie le monde des humains de manière insoupçonnable.
A certaines saisons et périodes magiques de l'année, il peut devenir visible un instant et les plus chanceux pourront peut-être entrapercevoir quelques facettes de ce fabuleux univers.

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